La mise en garde de l'agence d'évaluation financière Fitch contre un probable défaut de paiement de l'Argentine après un revers judiciaire à New York montre la nécessité pour le pays sud-américain de régler entièrement le problème de sa dette, selon des analystes.
"Un défaut de paiement est probable", a estimé l'agence Fitch dans un communiqué, abaissant mardi de cinq crans, de "B" à "CC", la note de l'Argentine qui vient d'être condamnée à verser 1,33 milliard de dollars à des fonds spéculatifs.
Jeudi, un juge fédéral de l'Etat de New York, Thomas Griesa, a ordonné à l'Argentine de payer cette somme à ces fonds détenteurs de dette publique argentine et qui avaient refusé un échange de titres après le défaut de paiement du pays en 2001.
L'agence d'évaluation financière a souligné par ailleurs que la perspective associée à la note de la dette publique argentine restait "négative" et qu'un nouvel abaissement n'était pas exclu.
La note désormais attribuée à l'Argentine par Fitch n'est plus qu'à deux crans de la catégorie DDD qui correspond à des émetteurs en défaut de paiement.
La présidente argentine Cristina Kirchner se retrouve face à un risque: le juge Griesa pourrait saisir les fonds destinés à payer les intérêts de la dette aux porteurs de titres, qui avaient accepté de renégocier.
"La dette en défaut représente 2,2% du Produit intérieur brut (PIB)", a précisé Ramiro Caineira, analyste chez Econometrica. "Si l'on offrait aux fonds spéculatifs les mêmes conditions que pour les échanges de 2005 et 2010, avec la même décote (de 70 à 75%), ils ne représenteraient plus que 0,9% du PIB", a-t-il souligné dans un rapport reçu par l'AFP.
Pour cet économiste, "il s'agirait du meilleur scénario". "Mais on s'en éloigne si l'Argentine ne propose pas les mêmes conditions", a-t-il ajouté.
Le moment de vérité pour Buenos Aires viendra le 15 décembre. Ce jour-là, l'Argentine doit faire face à une échéance de dette renégociée de 3,1 milliards de dollars, auxquels s'ajoute maintenant le 1,33 milliard devant être versé aux créanciers récalcitrants.
Le magistrat new-yorkais a fixé au 15 décembre la date limite pour que l'Argentine dépose cet argent: l'équivalent de toute la dette envers les fonds spéculatifs NML et Aurelius.
"Un seul paiement manqué (...) pourrait déclencher une cascade de défauts de paiement sur tous les titres de dette émis sous le régime du droit international", estime l'agence Fitch.
L'Argentine, qui a annoncé son intention de faire appel du jugement new-yorkais, a toujours refusé de payer un centime à ces fonds spéculatifs qu'elle qualifie de "vautours" parce qu'ils cherchent à être remboursés à 100%.
Si le juge Griesa devait saisir les fonds destinés à payer les porteurs de titres, qui les avaient renégociés, l'Argentine serait déclarée automatiquement "en défaut technique" de paiement.
Pour le père du rétablissement économique de l'Argentine après la crise de 2001, l'ancien ministre de l'Economie Roberto Lavagna, "l'arrêt de Griesa est impossible à respecter". "Ceux qui ont accepté l'échange pourraient dire: +Pourquoi ce juge avantage-t-il ainsi une petite minorité? Moi je veux la même chose+. On remettrait alors en cause toute la restructuration" de la dette argentine, a-t-il expliqué.
L'actuel ministre de l'Economie, Hernan Lorenzino, a fait savoir mardi que son pays pourrait refaire un échange de titres, comme en 2005 et en 2010, afin de montrer qu'il est prêt à payer.
"L'Argentine doit dire au juge et à la chambre d'appel qu'elle est prête à payer ce qu'elle a payé à ceux qui ont accepté les échanges précédents", a fait valoir de son côté l'économiste et président du Banco Ciudad, Federico Sturzenegger. "Il est probable que cela, la justice l'accepte", a-t-il dit.