La Libye va revoir des contrats signés entre le géant pétrolier italien ENI et le régime de Mouammar Kadhafi, ont annoncé jeudi les nouvelles autorités libyennes, mais selon ENI, cette décision ne concerne pas directement les contrats pétroliers.
"Le chef du gouvernement de transition Abdel Rahim al-Kib a informé le directeur général de la compagnie italienne ENI, M. Paolo Scaroni, qu'il a rencontré mercredi, (...) que les contrats signés entre ENI et le régime déchu vont être revus et réexaminés conformément aux intérêts de la Libye avant d'être appliqués", a indiqué le bureau du Premier ministre dans un communiqué.
La Libye souhaite notamment que la compagnie joue un rôle dans la reconstruction des villes détruites pendant la guerre.
Un porte-parole d'ENI, interrogé par l'AFP à Rome, a indiqué que les contrats concernés étaient "deux contrats relevant d'initiatives en matière sociale, n'ayant rien à voir avec le pétrole".
"Nous n'avons pas le détail, mais cela peut-être par exemple la construction d'infrastructures, d'un hôpital ou d'un gymnase pour la communauté locale", a expliqué Filippo Cotalini. "En tout cas, il s'agit d'activités complémentaires à but non lucratif qui n'ont rien à voir avec l'exploitation du pétrole ou du gaz."
ENI est le premier producteur étranger en Libye. Début décembre, M. Scaroni avait jugé "impensable" que les contrats conclus sous l'ère Kadhafi puissent être remis en cause par le nouveau régime.
"La nouvelle Libye n'acceptera pas qu'on lui dicte de projets", a poursuivi M. al-Kib, cité dans le communiqué.
"Les compagnies étrangères qui travaillaient en Libye doivent prouver aux Libyens qu'elles étaient un partenaire de la Libye et non de Kadhafi et de son régime", a ajouté le Premier ministre.
"ENI doit prouver cela en jouant un rôle significatif dans la reconstruction des villes détruites par les forces de Kadhafi", a-t-il estimé.
Son vice-Premier ministre Moustapha Bou Chagour avait déjà affirmé le 20 décembre que "tous les anciens accords et traités (signés avec des compagnies étrangères, ndlr) doivent être revus pour qu'ils soient vraiment dans l'intérêt du peuple libyen".
Fin août, ENI avait signé un accord avec le Conseil national de transition (CNT) pour reprendre ses activités en Libye. Il avait redémarré sa production de pétrole dans ce pays le 26 septembre.
M. Scaroni, le patron du géant pétrolier italien, a indiqué il y a trois semaines qu'ENI était revenu à 70% de sa production d'avant-guerre.
A l'exception d'un gisement gazier dont la production était destinée aux centrales électriques locales, toutes les activités d'ENI avaient été suspendues en Libye en raison du conflit, et sa production nette avait chuté à environ 50.000 barils par jour contre une production estimée à 280.000 barils par jour en temps normal.
M. al-Kib a également dit déplorer "la position négative de la plupart des compagnies pétrolières travaillant en Libye par rapport à la révolution du peuple libyen", estimant que "ces compagnies avaient eu de grandes occasions d'aider les Libyens dans leur révolution" mais ne l'ont pas fait.
Cette annonce intervient le jour même où le chef du gouvernement italien, Mario Monti, a annoncé qu'il se rendrait en Libye le 21 janvier notamment pour "réactiver le traité d'amitié" entre les deux pays.
L'Italie, ex-puissance coloniale et premier partenaire commercial de Tripoli, avait signé en 2008 ce traité prévoyant 5 milliards de dollars d'investissements italiens en Libye, en compensation de la période coloniale, dont la construction, pour environ 3 milliards de dollars, d'une autoroute littorale de 1.700 km.
La traité a été suspendu fin février après le début de l'insurrection en Libye.