Les déboires de Dexia, en cours de démantèlement, ont coûté 6,6 milliards d'euros à la France jusqu'à présent, selon la Cour des comptes, qui souligne la responsabilité des dirigeants de la banque franco-belge dans sa débâcle.
"Le coût pour le contribuable national a été important, 6,6 milliards d'euros à ce jour, et des risques élevés persisteront longtemps encore", a déclaré Didier Migaud, premier président de la Cour, lors d'une conférence de presse.
Sauvé de la faillite à l'automne 2008, Dexia, principal acteur du financement des collectivités jusqu'à ses déboires, a été durement frappé par la crise de la dette, ce qui a rendu nécessaire un second sauvetage en octobre 2011.
Dans son rapport rendu public jeudi, la Cour des comptes note "des risques persistants pour les finances publiques" à l'avenir, en raison de fortes incertitudes, notamment l'évolution de la situation de la zone euro.
Elle juge également "non négligeable" un risque de recapitalisation de la banque, susceptible d'alourdir la facture, sans toutefois avancer de montant.
La Cour éreinte en outre la gestion de cet établissement, notamment sa stratégie de croissance des années 2000, poursuivie alors que les premiers signes de la crise de 2007 étaient déjà apparus.
"Le conseil d'administration, qui comptait peu d'experts ou de professionnels aguerris des questions bancaires, ne s'est pas opposé à une telle stratégie, qui a perduré jusqu'au milieu de l'année 2008, c'est-à-dire bien trop longtemps compte tenu de la montée des risques et de la dégradation rapide du résultat du groupe", a souligné M. Migaud.
A cet égard, la Cour critique également la Caisse des dépôts qui détenait justement cette expertise financière et était, fin 2007, son principal actionnaire côté français, à hauteur de 11,9%.
En raison des failles dans la gestion de la banque et du coût qu'a représenté son sauvetage pour les contribuables, la Cour déplore également que "la mise en cause des responsables [ait] été tardive et incomplète", alors que plusieurs d'entre eux ont bénéficié d'avantages "significatifs" lorsqu'ils ont quitté le groupe.
Les anciens dirigeants très critiqués
Elle critique ainsi le système de retraites chapeau mis en place par Dexia, rendu de plus en plus avantageux à mesure que les bénéficiaires approchaient de l'âge de la retraite, et recommande de contester en justice le dispositif validé en 2004.
"Il est encore possible, jusqu'en 2014, d'exercer un recours en justice susceptible de réduire substantiellement les pensions de l'ensemble des bénéficiaires", au nombre de six, selon M. Migaud.
Pour l'un d'entre eux, une négociation a déjà permis de réduire sa retraite de 563.000 euros à 300.000 euros par an.
La Cour des comptes considère également qu'il est "anormal" que deux anciens cadres de Dexia aient pu bénéficier d'une indemnité de départ et retrouver un poste dans la fonction publique alors qu'ils avaient une responsabilité dans ses déboires.
C'est pourquoi elle recommande un ajustement des règles de la fonction publique, "pour que le retour dans l'administration de fonctionnaires devenus cadres dirigeants d'entreprises publiques ou d'entreprises privées soutenues par des fonds publics soit exclusif du bénéfice d'indemnités de départ", a expliqué M. Migaud.
La Cour se prononce également en faveur d'un régime de responsabilité pénale des dirigeants de banques et d'assureurs lorsqu'ils ont délibérément pris des risques inconsidérés ayant entraîné des pertes, comme l'a récemment adopté l'Allemagne.
Des manquements dans la supervision du groupe, éclatée entre plusieurs pays, sont également mis en avant, puisqu'elle "n'a contribué ni à détecter les risques, ni à établir et à sanctionner a posteriori les manquements", a affirmé le premier président de la Cour des comptes.
Selon M. Migaud, une supervision supranationale, comme le prévoit l'union bancaire en cours de réalisation au niveau européen, aurait pu permettre une meilleure gestion du cas de Dexia.