par Marine Pennetier
PARIS (Reuters) - L'attaque menée mardi contre une église en Normandie a confirmé la crainte des autorités françaises de voir des lieux de culte être pris pour cible dans un pays sur le qui-vive sécuritaire depuis les attentats de janvier 2015.
"Ce sont les catholiques qui ont été frappés mais ce sont tous les Français qui se sentent concernés", a déclaré François Hollande à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), près de Rouen, où un prêtre a été tué par deux hommes armés de couteaux se réclamant de l'Etat islamique.
"Nous devons être dans une cohésion, un ensemble, un bloc que personne ne doit pouvoir fissurer", a ajouté le chef de l'Etat, précisant qu'il réunirait mercredi la conférence des représentants des cultes en France.
La question de la protection des lieux de culte a émergé quelques jours après les attentats sans précédent de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et une supérette cascher qui ont poussé les autorités à lancer l'opération Sentinelle.
Au total, 1.227 sites chrétiens sont protégés via ce dispositif de surveillance, qui mobilise forces de sécurité intérieure et militaires. Un millier de sites musulmans font également l'objet de surveillance ainsi que 794 sites juifs.
La menace pesant sur les lieux de culte catholiques s'était concrétisée en avril 2015 lorsque la police avait dit avoir déjoué un projet d'attentat contre une église à Villejuif (Val-de-Marne).
Trois mois plus tard, en juillet 2015, le groupe Etat islamique, qui a revendiqué l'attaque de mardi, appelait dans son magazine Dar al Islam à viser les "endroits fréquentés", citant entre autres les églises.
VIGILANCE
"La peur est là et ce genre d'actes renforce la peur mais nous faisons tout ce qu'il faut pour la surpasser, pour vivre notre foi", explique le porte-parole adjoint de la conférence épiscopale de France, Vincent Neymon. "C'est par la cohésion que nous arriverons à vaincre, il faut à tout prix éviter les fractures, les replis au sein des communautés et de la société".
"Juste après l'attentat déjoué de Villejuif, on avait fait attention à ne pas ouvrir toutes les portes des églises, on était vigilant à qui entrait, mais ça ne tient pas dans la durée, il faut être réaliste", ajoute-t-il. "Nous savons aussi que l'Etat ne peut pas mettre des forces de l'ordre devant tous les lieux de culte, et même si c'était le cas, cela suffirait-il ?"
Selon un récent rapport parlementaire sur les moyens de lutte contre le terrorisme, le choix des sites à protéger s'est fait en concertation avec les préfets et les autorités cultuelles locales. Un état des lieux est adressé toutes les semaines à la mission de protection des lieux de culte.
A deux reprises l'an dernier, pour les fêtes chrétiennes du 15 août et de Noël, des instructions ont été données aux préfets et aux forces de police et de gendarmerie pour renforcer la vigilance autour des églises.
Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, évoquait des "modes opératoires nouveaux" et des cibles "de plus en plus diversifiées", soulignant l'exceptionnelle force symbolique" que constituerait une attaque contre une église.
"Il y avait un symbole qui était fort : un prêtre en train de dire la messe", a estimé mardi Alexandre Joly, curé à Grand-Quevilly, une ville située non loin de Saint-Etienne-du-Rouvray.
"UNITE ET SOLIDARITÉ"
Cette attaque sans précédent a été condamnée par les autres communautés religieuses qui ont exprimé leur "totale solidarité".
Le Conseil français du culte musulman (CFCM) "condamne avec la plus grande vigueur cet acte terroriste lâche et barbare" et exprime "sa grande émotion et sa totale solidarité avec l’ensemble des chrétiens de France."
"Devant la gravité de la situation, le CFCM appelle à nouveau la nation tout entière à l’unité et à la solidarité", peut-on lire dans un communiqué.
Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) a pour sa part exprimé son sentiment d'horreur et de tristesse" face à cet attentat qui "marque une nouvelle étape dans la progression du terrorisme en France".
Le Crif "exprime notamment son indignation que des bâtiments religieux soient visés".
La crainte de crispations entre communautés a été esquissée par l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin qui a appelé sur Twitter à ne pas "tomber dans ce piège".
"Horreur. Tout est fait pour déclencher la guerre des religions. Les chrétiens ont en eux la force de Pâques", écrit-il. "Ne tombons pas dans le piège de la guerre de religions. Ces crimes sont ceux d'assassins auxquels la plus grande fermeté doit s'appliquer".
(avec Chine Labbé à Paris et Noémie Olive à Saint-Etienne-du-Rouvray, édité par Yves Clarisse)