Le directeur général du secrétariat de l'Organisation internationale du travail (OIT) Juan Somavia a exhorté mercredi les 183 membres de l'organisation à conjurer les années de vaches maigres qui s'annoncent sur le front social en raison de l'explosion du chômage.
"Le monde peut avoir devant lui une crise de l'emploi et de la protection sociale d'une durée de six ou huit ans" avant de retrouver les niveaux d'emploi d'avant la crise, a averti M. Somavia en ouvrant à Genève la Conférence annuelle de l'OIT.
"Il y a de premiers signes bienvenus que la récession ralentit, que la chute libre freine", a reconnu M. Somavia pour qui, cependant, "les leaders politiques n'ont pas prêté suffisamment d'attention aux implications humaines et sociales du décalage" entre reprise économique et reprise du marché de l'emploi.
Pourtant, le monde aurait besoin de créer environ 300 millions de nouveaux emplois d'ici à 2015 ne serait-ce que pour absorber l'arrivée sur le marché du travail de 45 millions de personnes supplémentaires chaque année, a relevé M. Somavia.
"Le manque d'emploi et de protection sociale nourrit l'instabilité. Les ferments de la violence, de l'agitation sociale, de la tourmente politique prolifèrent", a mis en garde le directeur général de l'OIT en faisant appel à une "solidarité minimum avec les personnes les plus vulnérables".
"Nous ne pouvons pas reprendre les affaires comme si de rien n'était", a averti M. Somavia. "Les sentiments d'injustice montent. L'économie mondiale a déraillé. Certains s'étaient endormis aux commandes, mais nous sommes tous accidentés", a-t-il commenté.
"Nous ne pouvons pas nous offrir le risque d'une reprise économique sans une amélioration pour un travail décent", a encore prévenu M. Somavia en demandant aux membres de l'OIT, réunis jusqu'au 19 juin à Genève, d'adopter un "Pacte mondial pour l'emploi".
Les mesures énumérées dans ce "pacte", non contraignant, pourraient être mises en oeuvre de manière souple dans les pays membres en fonction de leurs possibilités ou de leurs nécessités, a-t-il expliqué.
Elaboré par le secrétariat de l'organisation, le Bureau international du travail (BIT), le projet préconise par exemple d'organiser des consultations tripartites (Etats, employeurs, syndicats) sur les politiques de reprise, de porter une attention soutenue au chômage des jeunes, à la protection des droits des travailleurs, d'investir dans l'économie verte, de privilégier le dialogue social lors des restructurations d'entreprises et de respecter les travailleurs migrants.
Selon le dernier scénario des experts du BIT, le nombre de chômeurs dans le monde devrait bondir de manière inégalée en 2009, faisant entre 39 et 59 millions de sans-emploi de plus par rapport à 2007.
Tenant compte de la prévision du Fonds monétaire international de contraction de l'économie mondiale de 1,3%, l'organisation table désormais sur un record absolu de 210 à 239 millions de chômeurs sur la planète pour l'année, soit un taux de chômage compris entre 6,8 et 7,4%.
La crise sociale va donc être au coeur de tous les débats de la Conférence, qui entendra notamment le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva ainsi que le Polonais Lech Kaczynski ou encore l'Argentine Cristina Kirchner, parmi les invités du mini-sommet sur la crise du 15 au 17 juin.