Le gouvernement a renoncé à taxer dès l'an prochain la production d'électricité à partir de charbon, une mesure qui aurait précipité la fin programmée des centrales à charbon françaises, abandonnant ainsi une promesse environnementale très symbolique à l'approche de la COP22.
Lors de la conférence environnementale, en avril, le président François Hollande avait annoncé l'instauration unilatérale, par la France, d'un prix plancher pour la tonne de carbone dans le secteur de la production électrique.
Concrètement, il s'agissait de surtaxer le courant produit par les centrales alimentées en énergies fossiles (charbon, fioul et gaz), afin d'encourager la production d'électricité à base de sources renouvelables (éolien, solaire...).
Mais, quelques mois plus tard, la ministre de l'Environnement et de l'Energie Ségolène Royal avait annoncé que ce "prix plancher" serait limité aux seules centrales à charbon, les plus polluantes des centrales thermiques.
La mesure devait être intégrée au projet de budget pour 2017, sous la forme d'un amendement.
Pourtant, à quelques semaines de la conférence de l'ONU sur le climat, qui se tiendra en novembre à Marrakech, le gouvernement a opéré un revirement, après des manifestations organisées jeudi par la CGT dans plusieurs villes menacées par les fermetures de centrales.
Lors des débats sur la loi de Finances à l'Assemblée, dans la nuit de jeudi à vendredi, le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert, conscient de "l'émoi considérable" dans plusieurs régions, a assuré que cette question du prix du charbon allait être gérée "dans le temps". Dans la foulée, l'amendement a été abandonné.
- 5.000 emplois menacés -
"Il serait judicieux d'avoir un étalement dans le temps des dispositions qui correspondent à un principe sur lequel nous souhaitons avancer", le prix plancher du carbone, en faveur de l'environnement, a déclaré le secrétaire d'Etat, qui a souligné que la programmation pluriannuelle de l'énergie prévoyait "au plus tard en 2023 de mettre fin à ces centrales".
La mesure n'est pas abandonnée et va être abordée dans un cadre européen, explique-t-on du côté du ministère de l'Environnement.
La CGT, selon qui cette surtaxe aurait entraîné la fermeture dans les deux ans à venir des dernières centrales électriques françaises à charbon, et la suppression de 5.000 emplois directs et indirects en France, a estimé que l'abandon de l'amendement est "un bon début mais on sera vigilant sur +l'étalement dans le temps+ évoqué par M. Eckert", selon Loïc Delpech, de la fédération Mines énergie. Il appelle le gouvernement à "une vraie réflexion environnementale et pas juste sur les centrales à charbon", responsables selon lui "de 1 à 1,5% seulement des émissions" polluantes.
Supplanté dans la deuxième moitié du 20e siècle par l'atome dans la production d'électricité, le charbon ne joue plus qu'un rôle mineur dans le système électrique français, le pays ne comptant plus que quatre centrales fonctionnant avec cette énergie. Deux sont exploitées par EDF (PA:EDF), à Cordemais en Loire-Atlantique et au Havre en Seine-Maritime, et deux autres par l'allemand Uniper (ex-EON), à Gardanne dans les Bouches-du-Rhône et Saint-Avold en Moselle.
Outre les conséquences sociales qu'entraînerait la fermeture des centrales à charbon, celles-ci contribuent à sécuriser l'approvisionnement électrique, en cas de pics de consommation de courant, et servent donc en quelque sorte de "batteries de secours" pour le réseau électrique national.
Or, le changement de cap du gouvernement intervient alors même que la faible disponibilité du parc nucléaire français, suite à des arrêts pour inspection de nombreux réacteurs, suscite des inquiétudes pour l'approvisionnement en électricité du pays cet hiver.