Après une chute des cours entre 2014 et 2016, les prix mondiaux du lait remontent depuis l'été 2016. Pour autant les éleveurs laitiers français sont toujours fragilisés et peinent à profiter de cette revalorisation.
Q- Pourquoi les cours remontent ?
R - Le prix du lait en France est très fortement soumis à l'influence de la conjoncture mondiale. La surproduction qui a suivi la fin des quotas européens en avril 2015, conjuguée à l'embargo russe sur les produits agroalimentaires et à la baisse de la demande chinoise, avait contribué à engorger le marché européen en 2015, et à faire baisser les cours.
Mais la donne a changé depuis, les importations chinoises de poudre de lait et de lait liquide ont repris à partir de début 2016. Surtout, la production laitière mondiale a ralenti.
Le premier exportateur mondial de lait, le néo-zélandais Fonterra, a ainsi réduit de plus de 3% sa collecte de lait en 2016. Au niveau européen, un programme d'aide pour inciter les producteurs de lait de l'UE à limiter leurs volumes a permis de réduire la production de 1,06 million de tonnes de lait au dernier trimestre de 2016, soit 3% de moins qu'à la même période l'an passé.
La hausse de la demande couplée à une baisse de la production a permis de faire remonter les cours fin 2016.
Q - Est-ce que cette remontée des cours bénéficie aux éleveurs ?
R - En France, la production s'affiche en baisse de plus de 6% en fin d'année 2016, une baisse qui s'accompagne d'une forte hausse des abattages de vaches laitières de 6,3% en décembre 2016 par rapport à 2015, selon FranceAgriMer.
Cependant, vu que les prix sont fixés une fois par an par contrat entre industriels et exploitations l'impact sur les prix payés aux éleveurs français ne s'est pas encore fait sentir, mettant certaines exploitations dans une situation intenable.
"Une frange importante d'éleveurs arrête l'atelier laitier définitivement à la suite de cette crise", assure même le cabinet Agritel dans une note.
Les éleveurs espèrent que leurs prix d'achat seront revalorisés en 2017, une hypothèse qui dépend de l'issue des négociations commerciales entre industriels et grande distribution, qui se sont terminées mardi soir.
Q - Où en sont les négociations entre industriels avec la grande distribution ?
R - A la veille de la fin des négociations, Coop de France, qui représente de nombreuses marques laitières, déclarait que ces négociations avaient encore été cette année "extrêmement difficiles" et se sont focalisées sur les baisses de prix.
Alors que les professionnels ont besoin de hausses "de 5% à 10%", "les acceptations de hausse de tarifs restent marginales", a décrit Dominique Chargé président de Coop de France Agro-alimentaire.
Les producteurs de lait de la FNPL ont aussi fait part de leur exaspération devant ces négociations difficiles.
"Tout le monde se renvoie la balle: les industriels disent que c'est la faute des distributeurs, les distributeurs que c'est la faute des industriels. Mais ceux qui payent l'addition ce sont les éleveurs", a déclaré le président de la FNPL, Thierry Roquefeuil.
Q - Quelles sont les initiatives des éleveurs pour retrouver de la valeur ajoutée ?
R -Les initiatives des éleveurs se multiplient pour tenter de reprendre la main dans cette filière. Ainsi a été créé en 2012 le label FaireFrance, une marque solidaire et équitable, qui permet aux 800 éleveurs qui ont créé leur propre société de recevoir une rémunération décente pour leur travail en se passant au maximum des intermédiaires. Cette idée a été reprise en 2016 par la marque "C'est qui le patron?" avec 51 éleveurs, ou encore "en direct des éleveurs", un groupement de 9 éleveurs de Poitou-Charentes et Loire-Atlantique.
D'autres projets similaires sont en train d'être montés par des éleveurs.