PARIS (Reuters) - Emmanuel Macron se rend samedi au Salon de l'agriculture auprès de producteurs français toujours en attente du "revenu juste" promis par le chef de l'Etat mais qui tarde à se concrétiser en raison des "réticences" de la grande distribution.
Contrairement à l'an dernier où il n'avait pas prononcé de discours, le chef de l'Etat s'adressera en tout début de matinée à un parterre composé essentiellement de jeunes agriculteurs et évoquera à cette occasion l'"Europe agricole" sur fond d'inquiétudes liées au Brexit, prévu pour le 29 mars.
Emmanuel Macron déambulera ensuite dans les allées, en commençant par le stand de l'égérie du Salon, "Imminence", une vache de race Bleue du Nord, et rencontrera les filières.
A la mi-journée, il déjeunera avec les acteurs de la filière pêche, les présidents des syndicats agricoles, le président des chambres d’agriculture, et le président de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), notamment.
Le chef de l'Etat, qui avait essuyé lors de sa première visite quelques sifflets, devrait une nouvelle fois cette année être interpellé sur la question des prix et notamment de l'application de la loi agriculture et alimentation (Egalim).
Les agriculteurs dénoncent depuis plusieurs mois les "blocages" de la grande distribution qui empêche selon eux l'application de ce texte qui vise à mieux rétribuer les agriculteurs avec le relèvement de 10% du seuil de revente à perte (SRP) et encadre les promotions.
"RÉTICENCES"
"Les Etats généraux de l'alimentation et la loi alimentation doivent produire tous leurs effets", a martelé le 11 février la présidente de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) Christiane Lambert, à l'issue d'une rencontre avec Emmanuel Macron à l'Elysée.
"Le retour prix au producteur doit s'opérer, nous savons qu'il y a des réticences dans certaines négociations commerciales en ce moment, or c'est très important que les agriculteurs retrouvent leurs fruits de leurs efforts", a-t-elle ajouté.
Ces dernières semaines, l'exécutif s'est employé à rassurer sur cette question - "les engagements seront tenus" a assuré l'Elysée - mais également sur le dossier, sensible, de l'interdiction de l'utilisation du glyphosate en France, quitte à susciter l'ire des écologistes qui y ont vu un recul.
La question du bien-être animal, soulevée par des associations de défense des animaux, et les récentes campagnes de militants "anti-viande", ont également été perçues comme une forme d'"agribashing" par les éleveurs.
"On se sent un peu oppressés et persécutés par une certaine frange de la population qui a envie de voir changer le modèle sans forcément laisser les moyens aux agriculteurs de se retourner", a déclaré le président des Jeunes agriculteurs, Jeremy Decerle, sur BFM TV vendredi.
Autre inquiétude, européenne cette fois, celle de l'avenir de la politique agricole commune (PAC). Si ce sujet est toujours en toile de fond du Salon, il prend cette année une nouvelle dimension à l'approche de la sortie programmée du Royaume-Uni.
Le Brexit, qui se traduira à terme par la fin de l'union douanière et le rétablissement des contrôles sanitaires, nourrit les inquiétudes au sein de la filière agro-alimentaire française, dont le Royaume-Uni est le troisième client.
TIMIDE REBOND
Signe des enjeux, le ministère français de l'Agriculture a mis en ligne début février une fiche pratique visant à répondre aux questions que se poseraient les éleveurs français afin de les aider à se préparer au scénario.
"Le Brexit nous inquiète au plus au point avec la date du 29 mars qui se rapproche à grands pas", a dit cette semaine Christiane Lambert, qui rencontrera au salon Michel Barnier, négociateur en chef européen du Brexit et ancien ministre français de l'Agriculture sous Nicolas Sarkozy.
Face aux inquiétudes des agriculteurs français, Emmanuel Macron a martelé à plusieurs reprises que la France, principale bénéficiaire des aides agricoles, n'"accepterait pas" une réduction du budget de la PAC.
L'enjeu est de taille pour le secteur agricole français, qui commence tout juste à reprendre des couleurs et qui a conforté son statut de leader européen en 2018, devant l'Allemagne et l'Italie, avec une production estimée à 75 milliards d'euros.
L'excédent des échanges agroalimentaires français a quant à lui atteint 6,9 milliards d'euros l'an dernier, en hausse de 1,3 milliard d’euros par rapport à 2017.
Malgré ce rebond qui reste fragile, le quotidien des agriculteurs français reste difficile. Selon la dernière étude de la mutualité sociale agricole portant sur l'année 2016, 30% des agriculteurs ont un revenu inférieur à 350 euros par mois.
(Marine Pennetier, avec Sybille de la Hamaide et Gus Trompiz, édité par Yves Clarisse)