PARIS (Reuters) - Emmanuel Macron réunit ce mardi les filières agricoles pour les presser d'avancer sur la définition des instruments visant à rémunérer décemment les producteurs, après l'adoption du projet de loi sur l'agriculture et l'alimentation la semaine dernière.
Selon l'Elysée, certaines filières ont fait des pas importants comme celles du lait et de la volaille, tandis que les filières de la viande bovine et du porc sont à la traîne.
Le président tiendra "un discours extrêmement ferme", explique son entourage. "On ne peut pas, nous, avoir fait notre part du job, avec une loi extrêmement forte sur le relèvement du seuil de revente à perte, l’encadrement des promotions, la contractualisation inversée, si, derrière, les acteurs économiques ne s’en emparent pas."
Issue des états généraux de l'alimentation, la loi "Egalim" veut rééquilibrer les relations commerciales entre agriculteurs, transformateurs et distributeurs et mettre fin à une mortifère guerre des prix .
Pour y parvenir, elle inverse la construction des tarifs en partant des coûts pesant sur les agriculteurs, ce qui induit la création d'indicateurs négociés au sein des filières.
Les distributeurs auront l'interdiction d'écouler leurs produits sous le prix d'achat au fournisseur majoré d'une marge de 10% et les rabais seront plafonnés à 34% de la valeur finale d'un produit.
Emmanuel Macron avait menacé de revoir ces dispositions si les acteurs de l'agroalimentaire ne s'accordaient pas.
Les décisions sur le seuil de revente à perte et les promotions ont vocation à être expérimentées pendant deux ans et pourraient donc être révisées, insiste la présidence.
RECOURS AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
"Les sources de plus grandes inquiétudes sont les filières viande bovine et porc", explique-t-on à l'Elysée, en soulignant la volonté du chef de l'Etat de voir un plan de restructuration des abattoirs et des investissements sur l’abattage et la découpe.
Loin des succès de certains produits alimentaires à l'export, la France accuse un déficit de 6 milliards d'euros sur les produits transformés, notamment lié à ceux qui contiennent de la viande, remarque-t-on. "Il faut qu’on ouvre des outils industriels dans nos territoires pour répondre aux attentes de ces filières."
Si l'avancée des négociations est jugée insuffisante dans plusieurs filières, toutes ont défini un cap stratégique sur la durée du quinquennat, salue l'entourage du chef de l'Etat.
Parmi les objectifs figurent par exemple ceux de faire passer de 4% à 30% la proportion de viande bovine en Label rouge, doubler la production de lait bio (actuellement 3%), faire passer de 10% à 25% la proportion des fruits et légumes en indication géographique protégée (IGP) ou bio ou augmenter de 50% la part de volailles bio.
Les sénateurs de la droite et du centre ont annoncé avoir saisi vendredi le Conseil constitutionnel sur le projet de loi.
Les signataires contestent la mesure clé de construction des indicateurs de prix et reprochent au gouvernement et à la majorité d'être revenus, en commission mixte paritaire, sur cette disposition votée dans les mêmes termes par l'Assemblée et le Sénat.
Ce recours suspend toute publication de décrets d’application par le gouvernement.
(Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse)