PARIS (Reuters) - Aucune solution n'est écartée dans le dossier des autoroutes, a déclaré mercredi Manuel Valls, laissant la porte ouverte à une dénonciation des contrats actuels, qu'une majorité de députés PS appellent de leurs voeux.
Le chef du gouvernement a reçu de la part de 152 députés PS et apparentés, soit plus de la moitié du groupe à l'Assemblée nationale, un courrier l'invitant à racheter les concessions signées en 2006 avec Vinci, Eiffage ou Abertis.
Ces dernières, qui gèrent des autoroutes directement ou via des filiales, sont pointées du doigt par de nombreux élus, par la Cour des comptes et l'Autorité de la concurrence qui dénoncent une situation de "rente".
Le débat a redoublé de vigueur après l'abandon de l'écotaxe, censée financer les infrastructures de transport, d'autant qu'un nouveau plan de relance autoroutier de 3,2 milliards d'euros, validé par la Commission européenne, est en marche et allongerait de une à quatre années la durée des concessions.
L'Etat cherche les moyens de faire contribuer ces sociétés au financement de grands travaux et de réguler les prix des péages, dont la hausse est prévue par contrat.
Des négociations ont été lancées, mais les contrats actuels n'octroient aux pouvoirs publics quasiment aucune marge de négociation, tout prélèvement nouveau devant être compensé.
Interrogé lors de la séance des questions au gouvernement à l'Assemblée, Manuel Valls a dit n'exclure aucune solution.
"Toutes les propositions d'amélioration de la situation seront mises sur table", a déclaré le Premier ministre.
"L'Etat, la nation, l'intérêt général doivent être pleinement pris en compte", a-t-il ajouté en réponse à Jean-Paul Chanteguet, rapporteur de la mission d'information sur les autoroutes dont les conclusions seront rendues le 17 décembre.
"En attendant votre rapport, en attendant le résultat des discussions, en espérant que chacun soit à la hauteur de ses responsabilités, je vous dis aujourd'hui qu'aucune solution ne doit être exclue, aucune (...) Il faut une remise à plat totale parce qu'il en va précisément de l'intérêt de l'Etat."
"POSITION DE FORCE"
Le Premier ministre a en outre envoyé un signal positif aux députés en souhaitant que les négociations soient conclues avant la fin de l'année. "Le dire a son importance", a-t-il lui-même relevé, dans une allusion à un calendrier de plus en plus serré.
La dénonciation des contrats d'autoroutes ne peut en effet avoir lieu qu'au 1er janvier de l'année et avec un préavis d'un an, ce qui impose à l'Etat, s'il choisissait cette option, de la notifier aux sociétés concernées avant le 31 décembre.
C'est ce qu'ont réclamé les 152 députés signataires du courrier adressé à Manuel Valls et daté du 4 décembre.
"L'actuelle discipline budgétaire nous oblige à trouver de nouvelles sources de financement" de la politique de transport, écrivent les députés socialistes. "Il est temps d'agir en procédant au rachat des contrats de concessions autoroutières."
La hausse des taxes sur le gazole garantit un budget de 1,9 milliard d'euros à l'Agence de financement des infrastructures de transport, loin des 2,5 milliards annuels nécessaires a minima d'ici 2030.
Les députés, qui veulent aussi "sortir du piège du plan de relance," soulignent que la dénonciation des contrats ne viserait pas à nationaliser les autoroutes mais à poser les bases d'une nouvelle discussion, au bénéfice de l'Etat.
"Vous placeriez l'Etat en position de force, vous lui donneriez de réels moyens de négocier, dans de meilleures conditions, de nouveaux contrats de délégation à des sociétés privées qui pourraient d'ailleurs fort bien être les actuels gestionnaires", disent-ils, évoquant un "acte de gauche".
L'indemnité de dénonciation des contrats, prévus par leur article 38, est estimée à 40 milliards d'euros, desquels il faudrait déduire une dette de l'ordre de 17 à 20 milliards. Comme l'avait suggéré Jean-Paul Chanteguet, les députés proposent que les autoroutes soient placées dans le giron d'un Etablissement public à caractère industriel et commercial.
(Gregory Blachier, avec Gilles Guillaume, édité par Yves Clarisse)