PARIS (Reuters) - Le ministre de la Justice annonce dans le Journal du Dimanche un renforcement de la sécurité dans les prisons, en particulier dans les unités de prévention de la radicalisation, huit jours après l'attaque de deux gardiens par un détenu dans une de ces unités, à Osny, dans le Val d'Oise.
"J’ai demandé au nouveau directeur de l’administration pénitentiaire de modifier immédiatement le régime de détention des cinq unités de prévention de la radicalisation", déclare Jean-Jacques Urvoas dans cette interview.
Les changements de cellule seront ainsi organisés plus fréquemment et les fouilles y seront multipliées, explique-t-il.
Les effets personnels des détenus seront limités dans les cellules pour diminuer les caches potentielles, de même que l’accès de ces prisonniers aux produits disponibles à l’achat pour améliorer leur détention (la "cantine ").
Le ministre demande également le renforcement du contrôle des publications extérieures auxquelles ces détenus ont accès.
"Voici notre réponse en cinq points pour renforcer encore davantage la sécurité au sein de ces unités", souligne-t-il. "Ces mesures entreront en application cette semaine. "
Le Garde des Sceaux rejette en revanche l'idée de prisons spéciales, avancée par une partie de la droite.
Le risque des établissements dédiés, voire même des unités de prévention de la radicalisation, est de former des foyers de radicaux susceptibles de passer à l'acte en détention comme à Osny, admet Jean-Jacques Urvoas.
"C’est évidemment le risque, repéré dès l’origine", dit-il. "C’est pourquoi nous refusons des prisons spécialisées au profit de petites structures nécessairement plus maîtrisables."
"J’exclus les prisons 'spéciales ' (...) Il ne faut pas créer des poudrières", ajoute-t-il. "Ce qui s’est passé à Osny renforce les inquiétudes que nous avions déjà et milite pour des petites structures avec des règles de sécurité."
1.400 DÉTENUS RADICALISÉS
Jean-Jacques Urvoas souligne que les inquiétudes du gouvernement ne concernent pas seulement les cinq unités de prévention mais l'ensemble des 188 prisons françaises, où sont répartis quelque 1.400 détenus radicalisés.
"J’ai pris des décisions qui vont entrer en application progressivement à compter de ce lundi", dit-il. "La première priorité, c’est d’éviter la communication entre ces détenus et le reste de la détention et que l’on évite aussi les regroupements massifs."
Un défi, alors que les prisons françaises sont en situation de surpopulation, pour laquelle il dit qu'il fera dans les jours à venir des propositions au Premier ministre, Manuel Valls.
Il dit aussi avoir pour objectif une sécurisation renforcée des bâtiments, notamment pour éliminer les zones "hors regard", et de former dans chaque établissement des équipes de sécurité.
Sur les 1.400 détenus considérés comme "radicaux ", 325 sont incarcérés pour une incrimination terroriste et répartis dans 50 établissements, précise Jean-Jacques Urvoas.
Sur ces 325, 80 % sont des prévenus dans l’attente de jugement et 20 % sont condamnés, dont certains pour départ en Turquie en vue de rejoindre la Syrie.
Quatre-vingt-neuf personnes sont regroupées dans les cinq unités de prévention de la radicalisation, dans les prisons de Lille-Annœullin, Fleury-Mérogis, Fresnes et Osny.
Interrogé sur le démantèlement la semaine passée d'un commando de femmes soupçonnées de préparer un attentat à Paris, Jean-Jacques Urvoas estime que ce n'est pas une surprise.
"Nos services font face à cette menace diffuse. Ils déjouent, démasquent, démantèlent des filières quasiment chaque jour", explique le ministre de la Justice.
"Les femmes et les mineurs sont deux sujets auxquels nous allons être confrontés dans les prochains mois, nous le savons", ajoute-t-il. "Ainsi en France, une femme est incarcérée après avoir reconnu porter un gilet d’explosifs."
Ce qui inquiète aussi le gouvernement, ce sont les mineurs engagés en Syrie, confie le ministre : "S’ils reviennent, comment allons-nous agir ? Nous travaillons juridiquement et concrètement pour adapter notre prise en charge."
(Emmanuel Jarry)