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Vers la création d'une nouvelle police fiscale en France

Publié le 28/03/2018 10:23
© Reuters. VERS LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE POLICE FISCALE EN FRANCE

PARIS (Reuters) - Création d'une police fiscale, instauration d'un plaider coupable pour les contribuables poursuivis en justice et publicité des sanctions pour fraude fiscale aggravée, le projet de loi anti-fraude présenté mercredi en conseil des ministres vise à renforcer les pouvoirs d'enquête et de sanctions de l'administration.

Cet exercice presque traditionnel de tous les gouvernements - une première loi avait été adoptée en 2013 dans la foulée de l'affaire Cahuzac sous François Hollande avant d'être complétée par la loi Sapin 2 de 2016 - est aussi présenté comme le pendant du texte symbole du nouvel exécutif sur le "droit à l'erreur".

"C'est parce que nous baissons les impôts et que l'Assemblée a voté un texte qui permet de traiter de façon plus bienveillante les contribuables de bonne foi que la fraude fiscale devient encore plus insupportable", déclarait en janvier le Premier ministre Edouard Philippe.

L'enjeu est de lutter contre des pratiques des entreprises comme des particuliers qui, selon les estimations, coûteraient près de 60 milliards d'euros par an à l'Etat.

Le texte porté par le ministre de l'Action et des comptes publics Gérald Darmanin renforce les pouvoirs d'investigation de l'administration des impôts avec la création d'une police fiscale dépendant de Bercy.

Constituée d'une cinquantaine d'agents, cette unité, qui travaillera avec les 250 officiers de douane judiciaire existants, pourra être saisie par le parquet national financier pour les dossiers de fraude les plus pointus, avec pour objectif d'en accélérer le traitement.

On fait valoir au ministère que, dans le dispositif actuel, il faut six ans pour purger le stock des quelque 250 dossiers judiciaires de fraude fiscale en instance, qui représentent un montant global de l'ordre de cinq milliards d'euros.

Toujours pour raccourcir les procédures, un "plaider coupable" sera instauré pour les contribuables poursuivis en justice, avec possibilité d'accepter les sanctions proposées.

LE "VERROU DE BERCY" EN SUSPENS

Le fisc aura enfin la possibilité de publier ses sanctions, un recours à la technique anglo-saxonne du "name and shame" qui visera plus particulièrement les entreprises.

Le texte prévoit d'autre part des sanctions administratives contre les "intermédiaires" qui contribuent à des schémas de fraude, avec des pénalités d'un minimum de 10.000 euros et pouvant aller jusqu'à 50% de leurs honoraires.

Dans le même temps, Bercy va mettre en place un guichet de régularisation pour les entreprises "de bonne foi" et publiera systématiquement les réponses aux questions des entreprises sur les schémas fiscaux si elles sont jugées d'intérêt général.

Le projet complétera par ailleurs des dispositions des précédentes lois anti-fraude en précisant par exemple les obligations de déclaration des plates-formes internet comme Airbnb sur les revenus qu'elles génèrent et l'identification de leurs utilisateurs.

Un des chantiers les plus complexes de la lutte anti-fraude tient à l'exploitation des données des diverses administrations. Le projet de loi devrait permettre de lever un certain nombre d'obstacles persistants au croisement des fichiers.

"Jusqu'à maintenant, le data mining était quelque chose d'expérimental dans l'administration fiscale. On passe à l'échelle industrielle", explique-t-on à Bercy, en indiquant que les effectifs des équipes spécialisées seront renforcés, par recours notamment à des spécialistes extérieurs.

"Le data mining représente aujourd'hui 10% des contrôles. On vise 20% en 2018 et l'objectif c'est atteindre à terme 50%", dit-on au ministère.

La présentation de ce texte intervient alors qu'une commission d'enquête de l'Assemblée nationale planche sur le très contesté "verrou de Bercy", le monopole exercé par l'administration sur les décisions de poursuite judiciaire en matière de fraude fiscale.

© Reuters. VERS LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE POLICE FISCALE EN FRANCE

Gérald Darmanin, qui doit être entendu par cette commission, s'est dit favorable à l'amélioration du dispositif mais refuse d'envisager sa suppression. Le dossier pourrait être traité dans le discussion du projet de loi.

(Yann Le Guernigou, édité par Yves Clarisse)

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