Pour quelque 1.300 collectivités qui avaient contracté des emprunts dit toxiques auprès de la banque Dexia, la note, déjà conséquente, risque de devenir particulièrement salée en raison de la flambée du franc suisse sur lequel ces emprunts étaient indexés.
"Avec un taux d'intérêt passé d'un coup de 13,7% à près de 26%, ce sont 700.00 euros d'annuité d'emprunt que nous devrions rembourser jusqu'en 2038", s'alarme Gérard Gicquel, maire d'Elven (Morbihan).
Pour cette commune de 5.600 habitants qui avait contracté, en 2008, un prêt de 3 millions d'euros, la décision de la Banque nationale suisse d'abandonner son taux plancher de conversion à 1,20 euro pour un franc suisse prend des allures de catastrophe.
"Quand on fait la somme des annuités d'emprunt, des baisses de dotation de l’État, des charges supplémentaires comme les rythmes scolaires, on dépasse largement notre capacité d'auto-financement. Tout concourt à nous mettre la tête sous l'eau et à ce qu'on soit mis sous tutelle", constate, amer, Gérard Gicquel.
A la tête, depuis mars, d'une commune déjà très endettée - plus de 2.500 euros par habitant - l'édile multiplie les interventions auprès des politiques, des associations d'élus, des médias pour que l’État réagisse.
"C'est une affaire d'importance nationale", renchérit Serge Brosolo, adjoint aux finances de Quiberon, autre commune morbihannaise dans la tourmente.
"Avec un taux d'intérêt qui atteint aujourd'hui 29%, c'est comme si on avait emprunté des dizaines de millions d'euros et non 2,8 millions. On est à 6 fois le taux de l'usure, ce n'est juste pas possible", s'insurge l'élu.
Pour lui, le fonds de soutien de 1,5 milliard d'euros mis en place par les pouvoirs publics pour aider les collectivités à sortir de la nasse des emprunts toxiques "n'a plus aucune utilité" ses moyens ne permettant plus de faire face aux besoins depuis l'envolée du franc suisse.
D'autant que les "pénalités de sortie" négociées par les communes avec ce fonds pour sortir de ces emprunts explosent elles aussi: de 6 millions à 13 millions d'euros pour Quiberon, par exemple.
- "Cessation de paiement" -
"La seule voie qui nous reste est la voie contentieuse", assène M. Brosolo.
C'est celle qu'a également choisi Auguste Louapre, nouveau maire de Bruz, commune de 18.000 habitants en périphérie de Rennes (Ille-et-Vilaine).
Comme son collègue de Quiberon, il déplore que l’État n'ait pas apporté de réponse suffisante aux "manœuvres qui frôlent l'escroquerie" de Dexia, dont l'héritière est la Société de financement local (Sfil) contrôlée à 75% par l’État.
A Bruz, le taux d'intérêt des 4 millions empruntés en 2007 atteint aujourd'hui 27,50%. "Avec un tel niveau, l'endettement de la commune, aujourd'hui de 19 millions d'euros, va doubler", assure le maire.
"C'est simple, on ne peut pas payer. Si nous étions une entreprise, nous serions en cessation de paiement. Il faut qu'on nous aide, qu'on se batte pour trouver des pistes de sortie", dit M. Louarpe, trésorier de l'association Acteurs publics contre les emprunts toxiques(Apcet).
Dans l'immédiat, sa commune a décidé de limiter ses remboursements à un taux de 5,5%, le reste étant seulement provisionné.
Confrontée non à un emprunt mais à un produit de couverture de taux "très toxique", la ville de Laval (Mayenne) atteint sans doute un record avec un taux d'intérêt qui a grimpé à 50% pour une parité euro franc suisse à 1/1. "Alors qu'il nous reste 10 ans à rembourser, avec un encours de 10 M d'euros, les annuités seraient de 5 millions d'euros", explique l'adjoint aux Finances, Philippe Habault.
Une situation "très pénalisante", selon l'élu, qui espère que le tribunal de Nanterre tranchera en faveur de la ville dans la procédure engagée contre Dexia.
Selon M. Louarpe, 1.300 collectivités seraient aujourd'hui concernées dans toute la France, dont une centaine de "cas graves".
Parmi les victimes, on trouve notamment Chambéry, Clermont-Ferrand ou encore la Métropole de Lyon qui, le 1er janvier, a non seulement récupéré les prérogatives du conseil général du Rhône mais aussi une partie de ses emprunts toxiques.