Une industrie paralysée, des prix qui s'envolent, un conflit gazier avec le voisin russe: le Parlement qui sortira des législatives de dimanche en Ukraine héritera d'une situation économique dramatique, que le conflit dans l'Est ne cesse d'aggraver.
La majorité prooccidentale attendue devra voter des réformes économiques radicales afin de sortir le pays du gouffre et d'assainir ses finances, dont des mesures de rigueur budgétaire douloureuses pour une population déjà touchée de plein fouet par la crise.
"Bien sûr, la situation est difficile, je ne peux rien vous dire de positif", soupire Evguénia Fedorivna.
Cette retraitée vend des sacs, disposés à même le sol sur les marches qui mènent au marché Jytny dans le centre de Kiev. D'autres personnes âgées, à côté, vendent des noix ou des volailles. Les clients se font rares.
"Il y a moins d'argent, les prix sont élevés", constate la vieille femme aux yeux clairs, fichu vert sur la tête. "Vu la situation, avec la guerre et les réfugiés, les choses ne vont pas s'arranger tout de suite après les élections, mais je crois à une amélioration petit à petit, je fais confiance en la jeunesse et en (Petro) Porochenko", le président prooccidental élu en mai.
Déjà en récession depuis plus d'un an et au bord de la faillite quand a éclaté fin 2013 la contestation contre le président prorusse Viktor Ianoukovitch, l'économie ukrainienne a subi depuis une véritable descente aux enfers.
Le plan de sauvetage de 27 milliards de dollars accordé au printemps par les Occidentaux, dont un crédit de 17 milliards de dollars du Fonds monétaire international, semble déjà insuffisant au vu de la situation.
La crise politique a d'abord fait fuir les investisseurs, entraînant un effondrement de la monnaie, qui a perdu environ la moitié de sa valeur depuis le début de l'année, et poussant les prix à la hausse.
L'arrivée au pouvoir de prooccidentaux, suivie du rattachement de la Crimée à la Russie et de l'insurrection armée prorusse dans l'Est, a lourdement affecté les échanges commerciaux entre Kiev et Moscou.
- Coûteux conflit -
Avec le conflit dans l'Est qui a dévasté le Donbass, bassin houiller aux puissantes mais déclinantes usines métallurgiques et chimiques, c'est désormais le cœur industriel du pays qui est à l'arrêt.
Résultat: la production industrielle s'affichait en août en baisse de plus de 20% sur un an et l'inflation a dépassé 17% sur un an en septembre.
"Incontestablement, la situation de l'économie ukrainienne n'est pas simple et les principaux indicateurs économiques ne poussent pas à l'optimisme", reconnaît l'économiste Olexandre Parachtchi, de la société d'investissement Concorde Capital.
Le ministre des Finances, Olexandre Chlapak, a prévenu que le produit intérieur brut chuterait sur l'année de 8% à 9% à cause de la guerre dans l'Est. Selon lui, les entreprises affectées représentent 30% des revenus en devises étrangères du gouvernement. Il a chiffré la perte des exportations vers la Russie à cinq milliards de dollars.
Une mission du FMI est attendue à Kiev fin octobre ou début novembre pour définir les besoins supplémentaires.
"La situation est complexe mais l'Ukraine bénéficie d'un soutien très important des Occidentaux", souligne Olena Bilan, chef économiste à la société d'investissement Dragon Capital.
Pour cet experte, "ce ne sont pas les élections qui pourront ramener l'optimisme parmi les investisseurs, mais l'introduction de réformes par le Parlement".
Les prooccidentaux ont déjà adopté des mesures de rigueur budgétaire, ainsi que des lois anticorruption très attendues tant ce mal gangrène le pays. Ils ont gelé les retraites ou augmenté les prix du gaz pour satisfaire les bailleurs de fonds internationaux.
Mais la portée de ces efforts est minimisée par le coût de l'offensive militaire dans l'Est - 4,4 millions d'euros par jour - et de la modernisation d'une armée sous-équipée, ainsi que par la perte des rentrées fiscales du Donbass.
"La situation économique dépendra aussi de la possibilité pour l'Ukraine d'importer assez de gaz cet hiver" pour faire tourner l'industrie, prévient Mme Bilan.
Les livraisons russes de gaz sont coupées depuis juin et le rapprochement affiché lors de la rencontre à Milan entre le président Porochenko et Vladimir Poutine ne s'est pas encore traduit par un accord ferme.