Quatre ans après le "paquet fiscal", la majorité et le PS vont se livrer à partir de lundi à l'Assemblée à une de leurs toutes dernières empoignades fiscales avant la présidentielle avec le collectif budgétaire qui modifie les règles du jeu des impôts pesant sur le patrimoine, estimé en France à 10.000 milliards d'euros.
"On peut affirmer sans aucune réserve que cette réforme fiscale est profondément juste", déclare le rapporteur général du Budget Gilles Carrez (UMP), qui reprend un argument du gouvernement: le relèvement du seuil d'entrée dans l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF), de 800.000 à 1,3 million d'euros, va protéger les propriétaires entrés dans l'ISF en raison de l'envolée des prix de l'immobilier depuis dix ans.
Pour M. Carrez, l'abaissement à 0,5% du taux d'ISF sur la deuxième tranche (plus de trois millions d'euros e patrimoine) ne favorise pas les plus riches.
Ce qui ne convainc pas les socialistes pour qui, à l'instar du député Pierre-Alain Muet, il s'agit d'un "formidable cadeau fiscal pour les contribuables les plus fortunés". "Vous supprimez toute progressivité de l'ISF et réduisez de moitié son montant en supprimant la première tranche du barème", dit M. Muet à l'adresse de l'UMP.
"Que l'on soit pour ou contre, le projet ne fait que redéployer entre riches le poids de l'imposition. Les petits riches sont exonérés de l'impôt sur la fortune, tandis qu'une partie des plus riches finance la réforme", estime Charles de Courson (Nouveau centre).
Dans ce débat sans fin, le Parti socialiste aura une tribune pour dérouler les propositions de son projet pour 2012. On ne savait pas vendredi si François Hollande, candidat déclaré à la primaire et député de Corrèze, en profitera pour défendre sa vision fiscale.
Le PS pourra aussi puiser dans une note d'un think-tank ami, Terra Nova, qui rappelle que la fiscalité sur le patrimoine génère environ 150 milliards d'euros, qu'elle est plus basse que celle portant sur le travail, qu'elle a été allégée depuis 2002.
"Ces allègements fiscaux ont bénéficié non pas aux classes moyennes, mais aux ménages les plus fortunés", affirme Terra Nova, en rappelant aussi que le patrimoine médian des Français est de 100.000 euros mais que les 10% les plus nantis détiennent la moitié de cette richesse privée du pays.
Des amendements UMP sont venus brouiller les pistes. Contre l'avis du rapporteur - et sans doute du gouvernement -, un vice-président UMP de l'Assemblée, Marc Le Fur, a proposé d'intégrer les oeuvres d'art dans le calcul de l'ISF. Au passage, il a rappelé qu'un socialiste, Laurent Fabius, les avait exclues de l'assiette de l'ISF à sa création en 1981.
Autre initiative parlementaire qui devrait faire grand bruit: M. Carrez a proposé de relever le taux de taxation de l'assurance-vie, l'un des placements fétiches des Français.
Enfin, une partie de l'UMP et les centristes vont plaider la création d'une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu (Michel Piron propose un taux de 46% pour la fraction supérieure à 150.000 euros par an et part), à laquelle le président Nicolas Sarkozy est totalement opposé.
Le gouvernement prévoit de compenser le coût de la réforme par la création d'une taxe sur les résidences secondaires des non-résidents, une "exit tax" destinée à lutter contre l'évasion fiscale ou un alourdissement de la fiscalité sur les successions.
A l'arrivée, le ministre du Budget François Baroin l'assure, ce collectif budgétaire n'aura pas d'incidence sur le déficit 2011, prévu à 91,6 milliards d'euros.