Les actionnaires de Publicis ont validé mercredi le mode de rémunération des deux principaux dirigeants du groupe, une première en France dans un groupe coté qui intervient une semaine après que le gouvernement a renoncé à légiférer pour encadrer les salaires des patrons du privé.
Au printemps dernier, le versement à M. Lévy, président du directoire, d'une rémunération différée depuis 2003 de 16 millions d'euros en sus de sa rémunération régulière, avait déclenché une polémique en pleine campagne présidentielle.
Mercredi, réunis en assemblée générale, les actionnaires du troisième groupe publicitaire mondial se sont prononcés favorablement sur les résolutions présentant les mécanismes de fixation de la rémunération - mais pas les montants - du président du directoire Maurice Lévy et de la présidente du conseil de surveillance Elisabeth Badinter.
Ils ont été 99,4% à se prononcer favorablement sur le mécanisme de la rémunération de Mme Badinter, et 78,8% sur ceux de M. Lévy.
Ce principe dit du "say on pay", qui commence à se diffuser parmi les sociétés anglo-saxonnes, consiste à demander aux actionnaires de se prononcer ("say") sur le mécanisme de rémunération ("pay") des dirigeants de leur entreprise.
La semaine dernière, le gouvernement a annoncé qu'il renonçait à l'idée de légiférer pour encadrer et plafonner les salaires des grands patrons du privé, en faveur d'une autodiscipline "renforcée".
"Il paraît important que la parole première revienne aux propriétaires de l'entreprise, c'est-à-dire les actionnaires", a commenté Maurice Lévy en ouvrant l'assemblée générale.
Il y a un mois, dans un entretien à l'AFP, M. Lévy avait indiqué que son groupe voulait "être en avance" sur le "say on pay" et qu'il prenait donc "le risque d'un vote. Nous verrons ce que pensent les actionnaires. C'est un vote consultatif mais je tiendrai compte de leur position", avait-il indiqué.
4,8 millions d'euros en 2012 pour Maurice Lévy
"Nos principaux concurrents, tous anglo-saxons, sont soumis à cette règle", a rappelé mercredi lors de l'assemblée générale Amaury de Sèze, président du comité de rémunération du groupe.
Le montant du salaire de Mme Badinter - la fille du fondateur Publicis Marcel Bleustein-Blanchet - reste déterminé par le conseil de surveillance. Elle a ainsi touché pour 2012 une rémunération fixe de 240.000 euros par an, en nette hausse le 1er novembre puisqu'elle était jusqu'alors de 182.939 euros, mais elle "n'avait pas été revue depuis 1996", a précisé Amaury de Sèze.
Quant à M. Levy, il n'est plus lié au groupe par un quelconque contrat de travail depuis le 1er janvier 2012, et depuis cette date sa rémunération est basée exclusivement sur la performance, à la fois quantitative (mesurée par rapport aux résultats des trois principaux concurrents de Publicis) et qualitative.
Sa rémunération s'est ainsi élevée à 4,8 millions d'euros en 2012.
"Cette rémunération est parfaitement en ligne avec la performance relative de Publicis par rapport aux autres sociétés du CAC 40, et elle est inférieure à celle des dirigeants de tous ses concurrents directs anglo-saxons", a précisé Amaury de Sèze.
Mais pour le syndicat CGT du groupe, le compte n'y est toujours pas: à l'occasion de l'AG, il a exigé que Publicis "mette en place une répartition des richesses plus juste et consacre une part des 737 millions d'euros du résultat net 2012 à des augmentations collectives supérieures à l'inflation", dans un communiqué.
Selon la CGT, les salariés "créent les richesses colossales de cette entreprise mais question salaire, ils ne se régalent pas".