Comme attendu, le "CDR", entité chargée de gérer l'héritage du Crédit Lyonnais, a annoncé mardi qu'il se constituait partie civile dans l'affaire Tapie/Adidas, ce qui va lui permettre d'accéder au dossier et d'y trouver éventuellement matière à dénoncer l'arbitrage décidé en 2008 en faveur de l'homme d'affaires.
Depuis plusieurs jours déjà, Bercy avait indiqué que le CDR, consortium de réalisation dont il est l'autorité de tutelle, allait se constituer partie civile.
Le conseil d'administration du CDR, réuni mardi, ayant validé la décision, le consortium "demande donc aujourd'hui à son avocat, Maître Pierre-Olivier Sur, de se constituer partie civile dans le cadre de l'instruction en cours".
Dès lors, une fois consulté le dossier d'instruction, "le CDR envisagera, dans le délai très court qui lui est imparti, le bien-fondé d'une contestation civile de la procédure d'arbitrage", a indiqué mardi l'avocat à l'AFP.
"En effet, si l'information judiciaire révélait une fraude dans la constitution du tribunal arbitral et/ou dans la mise en oeuvre de la procédure d'arbitrage, le CDR (...) aurait le devoir de le remettre en cause par toutes les voies de droit utiles".
En droit commun, le délai de prescription est de cinq ans. Cela situerait donc la prescription au 7 juillet.
Faute de recours auprès de la cour d'appel de Paris avant cette date, justifié par de nouveaux éléments, le CDR n'aurait plus aucun moyen judiciaire de remettre l'arbitrage en cause.
Rendue en 2008 pour mettre fin aux contentieux sur la vente de l'équipementier sportif allemand Adidas, la sentence d'arbitrage avait attribué 403 millions d'euros à Bernard Tapie et aux liquidateurs de ses sociétés.
"instruction"
Cet arbitrage est aujourd'hui l'objet d'une instruction, qui a mené à la mise en examen, le 29 mai, de l'un des trois juges du tribunal arbitral, Pierre Estoup, pour "escroquerie en bande organisée".
Les juges s'intéressent notamment aux liens entre Bernard Tapie, Pierre Estoup et l'avocat de l'homme d'affaires, Me Maurice Lantourne.
En attendant un éventuel recours en annulation, la température ne cesse de monter autour de l'affaire, alimentée par un flot de déclarations qui cherchent à exonérer ou au contraire à mettre en cause tel ou tel.
Mardi, le PDG d'Orange Stéphane Richard a affirmé à l'AFP qu'il n'y avait eu à l'époque "ni ordre, ni instruction, ni pression particulière" de l'Elysée sur la décision d'un recours à l'arbitrage.
Dans son édition de mercredi, le Canard enchaîné affirme le contraire, sur la foi du même Stéphane Richard évoquant une "instruction" donnée lors d'une réunion par Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée sous Nicolas Sarkozy.
M. Richard a été directeur de cabinet de deux anciens ministres de l'Economie, en fonction durant l'année 2007, Jean-Louis Borloo et Christine Lagarde, qui ont eux-mêmes toujours démenti l'existence d'instructions de l'Elysée pour favoriser l'arbitrage.
Interrogé par l'AFP, M. Richard a confirmé l'existence de cette réunion avec M. Guéant, mais rappelé que si l'arbitrage y avait été évoqué, l'idée émanait des liquidateurs des sociétés de Bernard Tapie, relayée par l'ancien PDG du CDR, Jean-François Rocchi.
"Il est apparu clairement que la solution de l'arbitrage était validée par le président de la République (Nicolas Sarkozy) qui n'en a jamais fait mystère", a-t-il dit. Et "j'étais dans mon rôle de vérifier que ce soit validé".
M. Richard sera auditionné le lundi 10 juin par les trois juges d'instruction du pôle financier qui sont saisis du dossier.
Le recours à l'arbitrage a été dénoncé par plusieurs membres de la majorité ainsi que par le député centriste Charles de Courson.
Avant qu'il ne soit décidé de recourir à l'arbitrage, la cour d'appel de Paris avait attribué, en septembre 2005, à Bernard Tapie et ses liquidateurs 135 millions de dommages et intérêts.
La décision avait été cassée, en octobre 2006, par la Cour de cassation, qui avait notamment estimé qu'"aucune faute" n'était imputable au Crédit Lyonnais.