C'est à la déception des syndicats et à une direction d'ArcelorMittal muette sur une partie des engagements évoqués par le gouvernement que l'exécutif va faire face cette semaine, après la décision vendredi de faire confiance à l'aciériste plutôt que de nationaliser Florange.
Dimanche soir, le délégué CFDT du site de l'aciérie, Edouard Martin, a affirmé que Mittal allait "procéder dans les prochains jours à l'arrêt de l'alimentation en gaz des hauts fourneaux qui sont toujours en chauffe".
"L'outil est cassé et je ne comprends pas que l'Etat puisse accepter ça", a affirmé le leader syndical au journal de France 3.
Une source proche du dossier a assuré à l'AFP dimanche que "tant que la procédure qui va commencer dans les prochains jours de dialogue social avec les organisations syndicales n'est pas terminée, les hauts fourneaux ne seront pas arrêtés".
"Si jamais l'information est confirmée par le gouvernement (...), je considère ça comme une très haute trahison d'Etat et moi, personnellement, je n'irai pas à Matignon mercredi", a affirmé M. Martin.
Une déclaration malvenue pour le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui a invité l'intersyndicale de Florange pour une rencontre à Paris et joue gros sur ce dossier qu'il a repris en main cette semaine, allant jusqu'à désavouer le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg.
"Les négociations que nous avons menées avec Mittal ont été âpres et difficiles, parce que nous refusions de vagues déclarations, et que nous voulions des engagements inconditionnels et précis", a-t-il déclaré dimanche dans le Républicain lorrain.
Mais selon Edouard Martin, les garanties sur l'emploi sont insuffisantes puisque les quelque 500 sous-traitants travaillant directement avec la filière amont du site (production d'acier brut) qui va être arrêtée risquent de se retrouver au chômage.
Seule à saluer l'accord, la présidente du Medef Laurence Parisot a au contraire estimé dimanche que celui-ci était "très clair: il n'y a aucune destruction d'emplois. Elle a cependant jugé "dramatique" les doutes pesant sur la bonne foi d'ArcelorMittal.
"Pas de confiance"
Dans les rangs mêmes du gouvernement, l'attitude future d'ArcelorMittal inquiète. "Il y a un accord, il n'y a pas de confiance", a déclaré dimanche la ministre de l'Ecologie Delphine Batho au "Grand rendez-vous" d'Europe 1/Aujourd'hui en France/iTélé. "Jamais Mittal n'a tenu ses promesses dans le passé", a-t-elle rappelé.
Principal doute quant au comportement de l'aciériste, le fait qu'il ne mentionnait à aucun moment samedi le projet européen Ulcos qui est supposé, à terme, permettre le redémarrage d'un des hauts fourneaux de Florange pour produire de l'acier en émettant beaucoup moins de CO2.
La commission européenne doit prendre sa décision finale sur ce dossier le 20 décembre après l'avoir examiné le 13. Le gouvernement affirme qu'ArcelorMittal s'est engagé sur ce point.
Samedi, le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg a souligné que Mittal s'était simplement "engagé à étudier le projet" Ulcos.
Et il en a profité pour tancer M. Ayrault, alors qu'il s'est refusé à quitter le gouvernement: "Je crois que le Premier ministre peut faire preuve d'encore plus de fermeté pour obtenir davantage d'ArcelorMittal".
Pour ajouter une pierre à la reconstruction de son image de ministre combatif, il a également renvoyé Matignon et l'Elysée dos à dos, affirmant que le président François Hollande lui avait assuré samedi matin que "la nationalisation temporaire restait sur la table car c'est une arme dissuasive" si ArcelorMittal ne tenait pas ses engagements.
Reste à savoir si les deux têtes de l'exécutif divergent vraiment sur le fond de la question ou si elles se sont réparti les rôles afin de maîtriser Arnaud Montebourg. Un ministre dont l'agitation exaspère parfois au sein du gouvernement mais dont l'action apaise aussi les tensions avec la gauche du PS.
Interrogé sur le rôle joué par M. Montebourg dans l'affaire, le Premier ministre a à nouveau fait amende honorable dimanche. "L'accord sur lequel nous avons pu engager Mittal permet d'atteindre ces objectifs: pas de plan social, des investissements importants, et un projet industriel d'avenir. Pour cela, il fallait hausser le ton. Arnaud Montebourg l'a fait", a-t-il déclaré au Républicain lorrain.
La ligne défendue au gouvernement est en effet que la menace d'une nationalisation agitée par le ministre a permis de faire plier Lakshmi Mittal pour qu'il renonce à la fermeture pure et simple de la partie non rentable du site.
Selon le co-président du Parti de gauche (PG) Jean-Luc Mélenchon, "on n'a parlé de nationalisation aussi longtemps que Mme Parisot n'a rien dit."
"Quand Mme Parisot a dit que la nationalisation est une absurdité, les journaux économiques de droite ont embrayé et il n'y a pas de nationalisation. C'est elle le vrai Premier ministre au fond", a déclaré M. Mélenchon sur BFMTV.