En ravivant le débat sur le diesel, le scandale Volkswagen (DE:VOWG) pourrait potentiellement accélérer la tendance de "dé-diesiliation" qui a déjà commencé en Europe, et aider le secteur du raffinage européen en crise, en participant au rééquilibrage du marché des produits pétroliers dans la région.
La crise des moteurs diesel truqués de Volkswagen, qui devrait se traduire par le rappel de millions de véhicules, pourrait accélérer la croissance des parts de marché des voitures à essence en Europe.
"Le fait que Volkswagen est un constructeur de voiture allemand rend le scandale d'autant plus significatif car cela pourrait déclencher un débat sur l'impact des émissions polluantes diesel sur l'environnement dans ce pays", estime Alessandra Agnello, analyste chez Petromatrix.
Ainsi, les conséquences d'un tel débat en Allemagne pourraient être immenses car le pays est le plus grand marché automobile en Europe, explique l'analyste.
L'augmentation de la part de marché des véhicules à essence stimulerait ainsi la demande de ce carburant, ce qui pourrait permettre au marché des produits pétroliers de retrouver un certain équilibre, et soutenir une industrie européenne du raffinage en crise depuis près de dix ans.
Résultat de politiques fiscales avantageuses, l'Europe consomme deux fois plus de gazole que d'essence. Or, les raffineurs européens produisent plus d'essence que de diesel. Et c'est ce déséquilibre structurel qui plombe le marché européen car l'Europe doit ainsi importer son gazole alors que, face à une concurrence accrue, elle peine à trouver des marchés pour vendre son surplus d'essence.
"Les raffineurs vont bénéficier de cette renaissance de la demande d'essence car le surplus pourrait ainsi rester en Europe, et répondre à la demande locale au lieu d'être exporté, traditionnellement aux États-Unis", explique Mme Agnello.
"Si la consommation d'essence augmente cela devrait être favorable au secteur du raffinage européen qui a beaucoup de handicap par rapport à d'autres régions dans le monde, comme le Moyen-Orient", note Philippe Sauquet, directeur de la branche Raffinage-Chimie chez Total (PA:TOTF).
-La concurrence est rude pour les Européens-
Coincés entre les imposantes nouvelles raffineries plus performantes du Moyen-Orient et d'Asie, orientées vers la production de diesel, et les raffineries américaines, certes vieillissantes mais qui profitent de coûts énergétiques beaucoup moins élevés, les Européens font face en effet à une concurrence rude.
Le fait que les raffineries dans le monde entier augmentent la production de diesel à un moment où la demande de ce carburant stagne et celle de l'essence augmente pourrait néanmoins remettre certains investissements en question.
"C'est vrai pour l'Europe, mais dans une moindre mesure que pour les autres régions, comme en Asie, au Moyen-Orient et en Amérique", estime Richard Mallinson, analyste chez Energy Aspects.
Pour l'analyste, la modernisation des raffineries en Europe, beaucoup moins sophistiquées que leurs concurrentes, sera de manière générale bénéfique au secteur européen. Les récents projets de modernisation des usines en Europe ont aussi fait la part belle aux produits distillés, comme le diesel, le fioul de chauffage ou le kérosène.
-Pas de disparition du diesel à venir-
Et la demande devrait se maintenir à un niveau robuste, car le scandale Volkswagen ne va pas pousser les consommateurs à se débarrasser de leurs voitures diesel au profit de l'essence du jour au lendemain. Et ce notamment parce que les "changements de politiques de taxation ne se font pas en une nuit", relève-t-on chez Citi.
L’Europe consomme près de 80 millions de tonnes de diesel par an, en incluant le kérosène. "Même si les raffineries géantes en dehors de l'Europe sont beaucoup plus compétitives en terme de coûts, conserver des raffineries en Europe se justifie, car la région ne peut pas dépendre seulement des importations", explique M. Sauquet.
Et un déclin sur le long terme de la demande de diesel devrait également aider l'Europe à être de moins en moins dépendante des importations de diesel, et spécialement de celles venant de pays où le risque géopolitique est élevé, conclut Mme Agnello.