par Gérard Bon
PARIS (Reuters) - L'échec du Front national, qui n'est pas parvenu dimanche à s'emparer de régions françaises en dépit d'un score historiquement élevé, marque un coup de frein à la dynamique lancée par Marine Le Pen en vue de la présidentielle de 2017.
Si elle est probablement assurée d'un ticket pour le second tour dans 18 mois, l'Elysée semble toutefois hors de portée pour la présidente du FN tant qu'elle ne disposera pas d'alliés lui permettant de contrer l'entente des partis de gouvernement, estiment des analystes interrogés par Reuters.
Le parti d'extrême droite a essuyé un échec relatif, puisqu'il a obtenu 6,8 millions de suffrages (27,10%) - un record absolu - et s'inscrit, scrutin après scrutin, dans tous les territoires et couches de la population.
Il dispose désormais de 358 élus régionaux, contre 115 dans les précédentes assemblées, ce qui libère Marine Le Pen de l'obstacle des 500 signatures permettant de postuler à l'Elysée.
"Le FN est néanmoins face à un mur, surtout pour une présidentielle", estime Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l'extrême droite, soulignant que le FN est un "excellent parti de premier tour", mais qu'il bute sur le second.
"Tant qu'il ne sera pas sorti de cette impasse, ça ne réglera pas le problème de l'accession au pouvoir", dit-il, soulignant le "sévère échec" personnel de Marine Le Pen dans le Nord face au candidat des Républicains Xavier Bertrand.
Frédéric Dabi, directeur adjoint de l'institut Ifop, note lui aussi que le parti frontiste se retrouve dans le même schéma qu'aux dernières départementales.
"Une fois de plus, il ne transforme pas l'essai. Il reste un parti très isolé, sans alliés", dit-il.
"À CHAQUE FOIS LE COUP PASSE UN PEU PLUS PRÈS"
Mais Frédéric Dabi se veut prudent sur l'impossibilité qu'il y aurait pour Marine Le Pen d'accéder au pouvoir, en particulier si l'exécutif ne parvenait pas à redresser l'économie.
"L'effet majeur du quinquennat, c'est quand même la montée du Front national qui s'enracine d'élection en élection", souligne-t-il. "A chaque fois, le coup passe un peu plus près."
"Les leviers du vote FN quittent la protestation pour l'adhésion et il y a aussi un vote contre les partis de gouvernement", ajoute-t-il.
Pour Jean-Yves Camus, l'échec de dimanche "tend à montrer que la dédiabolisation" entreprise depuis l'accession de Marine Le Pen à la tête du parti en 2011 "n'a pas fonctionné". "Est-ce que les électeurs FN vont finir par se lasser ?"
"Aujourd'hui, le seul espoir qu'il peut entretenir c'est de voir la droite revenir au pouvoir en 2017. Si cette fois-ci les électeurs de droite ne voient pas de résultats, alors il y aura une possibilité pour le FN", avance-t-il.
La déception du second tour pour l'état-major frontiste devrait raviver les débats internes sur la stratégie, en particulier sur la question de la sortie de l'euro qui effraie les personnes âgées et les chefs d'entreprise.
Mais pour le sociologue Sylvain Crépon, la marge de manoeuvre de Marine Le Pen est étroite puisqu'elle veut toujours s'appuyer sur un parti hors système et "refonder la vie politique sur sa stratégie identitaire".
"Le palier supplémentaire, ce serait de modifier ses orientations socio-économiques, le rapport à l'Europe et la sortie de l'euro", explique-t-il.
"La sortie de l'euro, c'est quelque chose qui rebute toute possibilité d'alliance. Mais le FN risquerait de perdre ce qui lui permet de se distinguer", ajoute Sylvain Crépon.
Le sociologue voit un autre obstacle aux visées de Marine Le Pen : son propre style. "Elle manie l'outrance vis-à-vis des élites et de l'immigration", dit-il, rappelant que dans les sondages, "70% des Français la jugent négativement".
(Edité par Yves Clarisse)