STRASBOURG (Reuters) - Le Parlement européen s’est prononcé mercredi pour une baisse de 40% des émissions de CO2 des voitures et utilitaires de moins de 3,5 tonnes d’ici 2030, quand la Commission européenne proposait 30%, ouvrant la voie à une difficile négociation.
La baisse s’entend sur la moyenne des émissions de gaz carbonique de l’ensemble des véhicules vendus par un constructeur, modèles électriques compris, par rapport à la limite maximale fixée pour 2021.
Une étape intermédiaire, avec une baisse de 20% en 2025, a été fixée par les parlementaires.
Les eurodéputés, qui co-décident sur ce dossier, vont maintenant devoir négocier avec les Etats membres dont certains, comme l’Allemagne, premier producteur européen de véhicules à moteurs, veulent s’en tenir à la proposition de Bruxelles.
L'Acea (Association des constructeurs européens d'automobiles), prône de son côté une baisse de 20%.
Le projet de règlement a été adopté à Strasbourg par 389 voix contre 239 et 41 abstentions.
Le Conseil des ministres de l'Environnement se réunira le 9 octobre à Luxembourg pour définir sa position. Dix-sept pays, dont la France, seraient prêts à soutenir un objectif à 40%, a indiqué à Reuters un porte-parole du Parlement européen.
En cas d’accord au Conseil, les négociations avec les eurodéputés débuteraient dès le 10, dans la perspective de parvenir à un texte définitif d’ici la fin de l’année.
COMPROMIS ENTRE LA GAUCHE ET LE CENTRE
Le vote a été acquis sur la base d’un compromis entre la gauche et le centre, même si les sensibilités nationales aux problématiques industrielles ou environnementales ont joué.
La commission de l’environnement, en charge du projet, s’était prononcée en septembre pour une baisse de 45%.
Les écologistes proposaient 50%, le Parti populaire européen (PPE - centre-droit), 35%, les libéraux-démocrates et les sociaux-démocrates 40%.
Au sein du PPE, le groupe le plus important à Strasbourg, un tiers des députés, dont les Français, ont soutenu la position finale, tandis que tous les allemands votaient contre.
"Je voyais mal comment voter contre un tel rapport", a expliqué à des journalistes Françoise Grossetête, eurodéputée Les Républicains, en évoquant l’été 2018, le deuxième plus chaud qu’ait connu la France selon Météo France.
L’objectif de 40%, "pour les constructeurs français, c’est possible. Il faut les aider à progresser pour garder leur avance technologique", a-t-elle ajouté, se disant "effarée" par l’attitude de ses collègues allemands.
Miguel Arias Canete, commissaire européen au Climat et à l’Energie, a défendu la proposition "ambitieuse et réaliste" de la Commission lors d’un débat mardi, rappelant qu’il s’agissait pour l’UE de "continuer à appliquer l’accord de Paris".
LES EMISSIONS ROUTIÈRES EXPLOSENT
Pour tenter de contenir le réchauffement climatique en dessous de 2° par rapport aux temps préindustriels, l’UE s’est engagée à réduire ses émissions d'au moins 40 % d'ici à 2030.
"L’Europe a réduit ses émissions de 23% depuis 1990 mais les émissions du transport routier ont augmenté de 20% et le transport représente plus de 20% des émissions dans l’UE", a souligné le commissaire.
La future réglementation sera, selon lui, "un signal fort pour l’industrie" qui "permettra les bons investissements dans la transition énergétique".
Le débat entre les eurodéputés a opposé les lanceurs d’alerte sur le climat à ceux qui craignent des difficultés d’adaptation pour l’industrie automobile.
"La pollution de l’air fait 500.000 morts prématurés chaque année en Europe. Si on ne change pas, on va dans le mur. Pour respecter les objectifs de la COP21, il faudrait une baisse de 70% d’ici 2030", a estimé l’eurodéputée écologiste française Karima Delli, présidente de la commission Transports.
"Il ne s’agit pas de protéger le climat à tout prix. Qu’est-ce que ça signifierait d’être trop ambitieux, pour les consommateurs et pour la création d’emplois ? L’effet serait dévastateur", a au contraire estimé, au nom du PPE, le chrétien-démocrate allemand Jens Gieseke.
Le texte adopté impose également que 35% des nouvelles voitures et camionnettes mises sur le marché en 2030 soient à émissions nulles ou faibles (émettant moins de 50 grammes de CO2 par kilomètre).
Il prévoit des incitations financières pour les constructeurs automobiles afin qu'ils orientent leur production vers les véhicules électriques ainsi que des amendes en cas de non-respect des normes d’émissions.
Ils pourraient en revanche bénéficier d'assouplissements de leurs objectifs s'ils produisent et vendent plus de véhicules à faibles taux d'émissions que requis.
(Gilbert Reilhac, édité par Yves Clarisse)