PARIS (Reuters) - La ministre de la Santé Marisol Touraine a dénoncé mercredi "un climat culpabilisateur" autour de la question de l'avortement en France à la veille de l'examen d'un projet contesté de création d'un délit d'entrave numérique à l'interruption volontaire de grossesse (IVG).
Dans une lettre publiée lundi, le président de la conférence des évêques de France, Mgr Georges Pontier, a appelé François Hollande à ne pas laisser cette mesure "arriver à son terme".
Porté par la ministre des Familles Laurence Rossignol, l'amendement, qui doit être débattu jeudi à l'Assemblée nationale, vise à sanctionner les sites internet qui, "sous couvert d'une présentation neutre et objective, sont des paravents de groupes anti-IVG qui veulent dissuader les femmes qui souhaitent recourir à l’IVG", souligne-t-on au ministère.
"J'entends l'inquiétude, je veux y répondre de manière extrêmement calme", a dit Marisol Touraine sur France 2. "Le délit d'entrave ce n'est pas une question d'opinion, on a le droit en France d'être contre l'avortement et on a le droit de dire qu'on est contre l'avortement".
"Le délit d'entrave, c'est tromper volontairement intentionnellement des femmes en les amenant sur des sites dont elles pensent qu'ils vont leur donner l'information qu'elles attendent et en réalité se servir de ces sites pour les dissuader d'avorter", a-t-elle ajouté.
Ce sera aux juges de décider s'il y a volonté intentionnelle de tromper, a précisé la ministre de la Santé.
Pour le porte-parole de la conférence des évêques de France, les sites visés par le gouvernement "remplissent un rôle".
Ils donnent des "informations qui sont nécessaires et qui permettent à des femmes de se dire que l'unique possibilité n'est pas de tuer l'enfant qu'elles portent en elle", a souligné Mgr Olivier Ribadeau sur Europe 1.
Concernant le délit d'entrave, "il s'agit de savoir ce que c'est que cette entrave: est-ce que proposer une alternative à l'avortement est aujourd'hui possible ou pas? Est-ce qu'expliquer que des aides sont possibles si elles gardent leurs enfants, (...) c'est possible aujourd'hui?", ajoute-t-il.
"OFFENSIVES"
Plus de quarante ans après la loi Veil de 1975 dépénalisant l'IVG, la question de l'avortement continue de susciter des débats en France.
La suppression du délai de réflexion obligatoire entre la première et la deuxième visite médicale pour une IVG, contenue dans le projet de loi Santé adoptée en décembre dernier, a suscité une levée de boucliers d'une partie de la droite.
La question de l'avortement s'est également invitée dans la campagne de la primaire de la droite et du centre, Alain Juppé ayant notamment demandé à François Fillon de clarifier sa position sur l'IVG.
"Je m'interroge sur le fait qu'on assiste depuis quelques années régulièrement à des offensives contre l'interruption volontaire de grossesse", a dit Marisol Touraine mercredi. "Il y a un climat culturel qui pèse et qui tend à culpabiliser les femmes qui s'interrogent sur l'avortement."
Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) publiée en juin, le nombre d'IVG a diminué de 3,9% en 2015 pour atteindre 218.100 en France.
(Marine Pennetier, édité par Henri-Pierre André)