EVRY-COURCOURONNES, Essonne (Reuters) - Trois semaines après le début du "grand débat national" organisé en réponse à la crise des "Gilets jaunes", Emmanuel Macron s'est rendu lundi en banlieue, grande absente de la concertation, où il a débattu avec 300 élus et représentants d'associations qui ont demandé des mesures d'urgence et un plan "anti-ghetto".
Depuis le lancement de cette concertation nationale le 15 janvier dernier dans l'Eure, les remontées du terrain font état d'un intérêt plus faible dans les quartiers populaires et parmi les jeunes - auprès desquels le chef de l'Etat se rendra jeudi en Saône-et-Loire.
"Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas eu forcément (en banlieue) les mouvements les plus perceptibles que les quartiers dits 'politique de la ville' auraient dû être en dehors du débat", a souligné Emmanuel Macron dans ses propos introductifs à Évry-Courcouronnes (Essonne). "Le grand débat national concerne l'ensemble de la nation française".
Manque de logements, suppression des emplois aidés, marchands de sommeil, discrimination à l'embauche et "fusions forcées" de communes : comme lors des quatre autres débats, le chef de l'Etat s'est prêté au jeu des questions-réponses sur des sujets dont certains n'avaient jusqu'à présent pas été abordés.
"La République française a une dette vis-à-vis des quartiers populaires, nous ne demandons pas charité mais justice", a déclaré le maire PCF de Grigny (Essonne), Philippe Rio, estimant qu'il y avait "une profonde rupture d'égalité républicaine dans les quartiers populaires."
"Ne nous lâchez pas M. le président, au niveau de la politique de la ville et des budgets, sur l'urbanisme, je vous en supplie ne nous lâchez pas", a de son côté déclaré Brigitte Marsigny, maire Les Républicains (LR) de Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis).
"RÉVOLUTION"
Neuf mois après avoir suscité l'ire d'une partie des élus de banlieue en ne reprenant que quelques points du rapport Borloo, le chef de l'Etat était attendu au tournant par des édiles toujours échaudés par la baisse du nombre de contrats aidés.
Au sommet de l'Etat, on met en avant le fait que 26 des 40 mesures annoncées en juillet sont "atteintes ou en cours de déploiement" - dont la signature de 3.600 emplois francs dans sept territoires d'expérimentation ou encore le dédoublement des classes de CP et CE1.
Dans une circulaire datée du 22 janvier, l'exécutif insiste également sur les 175 projets validés par l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et les 4 milliards d'euros mis à disposition des collectivités territoriales et des bailleurs sociaux.
"Je ne peux pas laisser dire qu'il ne s'est rien passé depuis mai dernier, il y a eu une vraie révolution de l'ANRU", s'est défendu Emmanuel Macron.
Le chef de l'Etat a également assumé sa décision de renoncer aux contrats aidés - des "mécanismes de subventions déguisées" - et s'est dit ouvert sur la question de la "cour d'équité territoriale" - évoquée dans le rapport Borloo - qu'il faut selon lui "tricoter ensemble au plus près du terrain".
Quant à la question des discriminations à l'embauche, le chef de l'Etat a rappelé que des "opérations de testing" avaient été lancées dont les conclusions seront rendues fin mars.
Depuis 40 ans et une dizaine de "plans banlieue" lancés dans les quartiers avec un bilan mitigé, les attentes restent toujours fortes dans les banlieues françaises.
Les 1.500 quartiers labélisés "politique de la ville" (QPV), où vivent 5,5 millions de personnes, affichent encore des taux de chômage et de pauvreté nettement supérieurs à la moyenne nationale.
(Marine Pennetier avec Philippe Wojazer à Evry-Courcouronnes, édité par Caroline Pailliez)