Une cinquantaine de pays doivent s'engager mercredi à Berlin à un échange automatique d'informations fiscales d'ici 2017-2018, avancée majeure dans la lutte contre l'évasion et la fraude qui leur font perdre des centaines de milliards d'euros.
"Les chances structurelles de frauder le fisc disparaissent. (...) L'ère du secret bancaire est terminée", se réjouit-on au ministère allemand des Finances, qui doit héberger mardi et mercredi la réunion du Forum mondial sur la transparence et l'échange d'informations. Celui-ci réunit 122 Etats et juridictions membres, ainsi que l'Union européenne.
L'enjeu est de taille: quelque 5.800 milliards d'euros seraient dissimulés dans les paradis fiscaux, soit un manque à gagner de 130 milliards par an pour les administrations fiscales du monde entier, selon l'économiste Gabriel Zucman, spécialiste de la fraude fiscale.
L'accord multilatéral qui doit être signé est basé sur des critères définis par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
La norme mise au point par l'OCDE, à la demande du G20, a pour ambition de devenir un standard international. Elle prévoit notamment la fin du secret bancaire, jusqu'ici fréquemment invoqué par des pays comme la Suisse ou certains paradis fiscaux pour refuser de transmettre des informations sur l'état des avoirs placés par les citoyens étrangers à leurs pays d'origine.
Ce processus de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, inspiré par la loi Fatca votée en 2010 par les Etats-Unis, prend de l'ampleur depuis maintenant trois ans.
La loi américaine, entrée en vigueur cette année, oblige les banques étrangères à informer systématiquement le fisc des Etats-Unis des comptes et dépôts de leurs clients américains au-delà d'un montant de 50.000 dollars.
Cinq pays européens - Allemagne, France, Royaume-Uni, Espagne, Italie - s'en étaient inspirés pour réclamer en 2011 la généralisation de l'échange automatique d'informations.
Après des mois de négociations, marqués par la résistance de pays comme le Luxembourg et l'Autriche, dont les banques vivent largement du secret bancaire, l'UE est parvenue il y a deux semaines à un accord. Les 28 Etats membres se sont engagés à pratiquer l'échange automatique d'informations dès 2017, à l'exception de l'Autriche qui invoque des raisons techniques et attendra 2018.
La rencontre de mardi et mercredi à Berlin doit permettre de dépasser le simple cadre européen, avec l'adhésion au processus de nombreux autres pays développés.
- La Suisse s'engage -
La signature étendue d'un "accord multilatéral sur les autorités compétentes" est "la première étape nécessaire pour mettre en œuvre l'échange automatique d'informations", explique-t-on à l'OCDE. Concrètement, il s'agit de désigner dans chaque pays quelle institution collectera les informations fiscales pour les transmettre aux autres Etats.
La pression promise par ce procédé porte déjà ses fruits. Ces deux dernières années, plus d'un demi-million de contribuables dans le monde ont spontanément fait amende honorable auprès de leur fisc et se sont acquittés de 37 milliards de dollars d'impôts impayés et intérêts, selon les données publiées par l'OCDE cet été.
Autre signe de cette dynamique, la Suisse, jusqu'ici symbole du secret bancaire, doit formaliser à Berlin son intention de s'engager contre la fraude fiscale.
La Suisse "donnera son adhésion claire à la mise en place de l'échange automatique d'informations", a assuré l'ambassadeur de la Confédération Fabrice Filliez dans la presse allemande.
Le pays compte faire fonctionner ce système en 2018, le temps de faire les aménagements législatifs nécessaires, a-t-il précisé.
Un changement de cap radical: l'ancien ministre suisse des Finances Hans Rudolf Merz assurait encore en 2008 que les pourfendeurs du secret bancaire "s'y casseraient les dents".
Paradoxe, les Etats-Unis, initiateurs du mouvement, s'en tiennent pour le moment à leur loi Fatca, sans adopter la norme de l'OCDE qui implique une pleine réciprocité dans l'échange entre Etats.
Le nombre exact de pays qui s'engageront mercredi n'est pas encore divulgué, mais "la pression se fait sentir", assure-t-on au ministère allemand des Finances. Pour preuve, "certains paradis fiscaux" compteront parmi les signataires, et on a pu enregistrer la semaine dernière plusieurs inscriptions de dernière minute.