L'Allemagne devait ralentir au deuxième trimestre, elle a finalement calé: le recul de sa croissance a été plus fort que prévu, et le moteur germanique est même en sous-régime par rapport à son voisin français.
Mais là où la France patauge dans la croissance zéro depuis le début de l'année, le passage à vide de l'Allemagne, qui pèse largement dans la croissance nulle de la zone euro ce trimestre, devrait être temporaire.
"Les taux de croissance en Allemagne devraient redevenir positifs lors des prochains trimestres de l'année", a voulu rassurer le ministre de l'Economie Sigmar Gabriel, dans un communiqué.
"Le recul du deuxième trimestre reflète une combinaison de facteurs techniques et de faiblesses externes, mais pas de problèmes fondamentaux au sein de l'économie", résume Christian Schulz, économiste de Berenberg.
Le produit intérieur brut (PIB) de l'Allemagne s'est replié de 0,2% le trimestre dernier, selon les chiffres provisoires de l'Office fédéral des statistiques Destatis. Une performance encore moins bonne que prévu: le consensus des analystes tablait sur un recul de 0,1% après la progression de 0,7% du trimestre précédent.
La première économie européenne ne pouvait pas tenir le rythme de ce démarrage en trombe. L'hiver clément avait dopé les performances du début d'année, mais la Bundesbank avait prévenu de longue date que la croissance ralentirait au printemps, également sous l'effet des jours fériés en mai et du timing des vacances de Pâques.
Les principaux responsables de la contre-performance allemande sont toutefois à chercher ailleurs. Destatis souligne la contribution "négative" du commerce extérieur, qui a longtemps fait la force du pays. Entre avril et juin les importations ont grimpé plus vite que les exportations.
Les investissements en berne des entreprises grèvent également la croissance. L'étendue de leur recul n'est toutefois pas encore connue: Destatis dévoilera ses chiffres détaillés le 1er septembre.
- Légère récession ? -
La faiblesse des entreprises était attendue. La production industrielle a reculé de 1,5% et les commandes à l'industrie de 0,6% sur le trimestre, selon les indicateurs publiés récemment.
Le conflit avec la Russie a en outre dégradé le moral des décideurs, selon les derniers baromètres, et d'autres foyers de crise, comme l'Irak et le conflit israélo-palestinien, assombrissent l'horizon. Si le risque géopolitique perdure, il devrait peser aussi sur le troisième trimestre.
"Il est possible que l'économie allemande ait déjà glissé dans une légère récession à cause des crises", craint même Ferdinand Fitchner, économiste de l'institut DIW.
Techniquement, une récession correspond à deux trimestres de contraction d'affilée du PIB. Pour la majorité des observateurs, Berlin n'en est pas encore là.
"La modeste part des exportations allemandes vers la Russie (3%) suggère que les sanctions n'affecteront pas l'économie allemande dans son ensemble, à moins que la crise en Ukraine échappe à tout contrôle", remarque le chef économiste de Commerzbank Joerg Kraemer.
"L'Allemagne devrait rebondir rapidement aussitôt que le conflit ne fera plus les gros titres, et devrait reprendre son rôle de moteur de la zone euro, même si elle devra peut-être se battre avec l'Espagne pour cette place", renchérit de son côté Christian Schulz. L'économie ibérique a progressé de 0,6% au deuxième trimestre.
L'Allemagne conserve de solides fondamentaux du côté de la demande intérieure. La consommation des ménages et les dépenses publiques ont toutes deux progressé au deuxième trimestre, selon Destatis.
"Soutenue par des taux d'intérêt bas, une inflation faible et un marché du travail robuste, la consommation des ménages devrait rester un important pilier de l'économie allemande", souligne Johannes Gareis, économiste de Natixis.
D'autant que le pays a récemment adopté un salaire minimum et que les Allemands tablent sur des revenus en hausse, selon les derniers sondages.
Pour 2014, les principales institutions nationales et internationales tablent pour le moment sur une croissance du PIB comprise entre 1,7% et 1,9%.