Le Premier ministre grec Alexis Tsipras a assuré dimanche soir qu'il tiendrait toutes ses promesses électorales et a réclamé une nouvelle fois un programme-relais à l'UE, à quelques jours de réunions cruciales sur la dette du pays.
Dans son discours de politique générale émaillé d'envolées sur le thème de "la fierté nationale" rendue aux Grecs par le nouveau gouvernement de gauche radicale Syriza, M. Tsipras s'est engagé, "à construire une nouvelle Grèce économiquement indépendante, souveraine, traitant d'égal à égal dans l'Union européenne et la zone euro".
"La décision inébranlable du gouvernement est d'honorer toutes ses promesses" de campagne, a-t-il assuré, "c'est une question d'honneur et de respect".
Et la Grèce veut aussi "servir sa dette" alors que pour sortir de l'austérité "la solution doit être européenne et la Grèce peut être le catalyseur", selon lui.
"C'est un problème de choix politique : aussi longtemps que nos partenaires insisteront sur l'austérité, le problème de la dette se perpétuera", a-t-il lancé.
Il a rappelé que son pays souhaite un "programme-relais" d'ici fin juin pour assurer les besoins financiers immédiats du pays et échapper aux plans d'austérité dont les Grecs ne veulent plus, sans pour autant cesser toute réforme.
M. Tsipras a ensuite annoncé une kyrielle de mesures, inclues dans son programme électoral, dont la plus spectaculaire est "la réinstallation" de l'ancienne télévision publique ERT. Elle a depuis été remplacée par une autre du nom de NERIT, montée à la hâte avec un cinquième des 2.600 employés de l'ERT licenciés en juin 2013.
Sans oublier des mesures pour les ménages les plus pauvres.
Mais à bien l'écouter, le discours de M. Tsipras peut paraître plus raisonnable que ce que redoutaient les créanciers.
Ainsi, il n'a pas annoncé de réembauches massive de fonctionnaires, mais seulement de ceux qui avaient été licenciés "illégalement", soit environ 3.000 personnes. De même, la remontée du salaire minimum de 580 à 750 euros sera "graduelle".
Sur les privatisations il a refusé de "brader" les entreprises.
En revanche, le Premier ministre a insisté sur "l'obligation morale et historique" de réclamer à l'Allemagne des indemnités de guerre, auxquelles elle a échappé à la fin de la deuxième guerre mondiale. Il a aussi demandé le remboursement du prêt imposé par les nazis à la Banque de Grèce. Au total, il y en aurait pour l'équivalent de la moitié de la dette grecque.
Berlin a déjà dit "non", arguments juridiques à l'appui, mais pour M. Tsipras cela pourrait constituer un bon argument de négociation.
- La tradition de l'UE est le compromis -
Les Grecs sont, après une série de rencontres bilatérales cette semaine, attendus de pied ferme à Bruxelles: mercredi, le ministre des Finances Yanis Varoufakis participera à son premier Eurogroupe (réunion des 19 ministres des Finances de la zone euro) et jeudi M. Tsipras à son premier sommet européen.
Les propositions du gouvernement grec pour s'affranchir de l'autorité des experts de la troïka des créanciers (BCE, UE, FMI) ou réaménager drastiquement une dette qui atteint 180% du PIB ont jusqu'à présent été fraîchement accueillies par les partenaires d'Athènes.
Et la BCE a rappelé jeudi qu'elle avait les cartes en main, en fermant brutalement un des deux robinets qui alimentent les banques grecques.
Ce week-end, les commentateurs restaient plutôt sereins.
"Je pense que nous n'irons pas à l'affrontement ultime, personne n'y a intérêt", a déclaré à la chaîne Euronews Etienne de Callataÿ, économiste en chef de la Banque Degroof à Bruxelles.
Le président du Parlement européen Martin Schulz a estimé qu'on pourrait désormais dispenser Athènes de s'adresser aux experts de la troïka, mais directement à l'UE et au FMI.
Pour le quotidien grec libéral Kathimerini, la semaine à venir sera soit celle "de l'adaptation des deux parties à la réalité" soit celle de "la collision".
Le porte-parole du gouvernement Georges Sakellaridis a fait preuve d'optimisme, dans une interview au journal To Vima : "La tradition à l'UE est le compromis après une longue période de négociations dures. Nous allons finalement arriver à un accord".
L'ancien chef de la Banque centrale américaine, Alan Greenspan, a cependant estimé que la sortie de la Grèce de l'union monétaire n'était qu'une "question de temps".
De son côté, le Premier ministre portugais, Pedro Passos Coelho, dont le pays a été soumis à un sévère plan de rigueur budgétaire, a nuancé la position intransigeante adoptée jusque-là vis-à-vis d'Athènes, estimant que l'Europe "a le devoir" d'aider la Grèce mais pas "n'importe comment" et que les solutions trouvées doivent "valoir pour tous".