par Tim Hepher
PARIS (Reuters) - Une erreur d'installation du logiciel gérant les moteurs de l'A400M pourrait se trouver au centre d'une complexe succession d'évènements susceptibles d'avoir entraîné le crash de l'avion de transport militaire d'Airbus (PARIS:AIR) en Espagne, a-t-on appris de sources proches du dossier.
Selon les analystes, comprendre la cause de l'accident qui a causé la mort de quatre des six personnes à bord d'un A400M pour un vol d'essai le 9 mai est crucial pour la confiance dans l'appareil dont les chances à l'exportation pourraient être affectées, même si Airbus prévoit de reprendre prochainement les livraisons.
Un responsable du constructeur aéronautique européen a mentionné des problèmes de contrôle de qualité dans la chaîne d'assemblage du quadrimoteur en Espagne.
Mais une enquête militaire espagnole pourrait permettre d'expliquer comment une exceptionnelle succession d'évènements peuvent conduire à un tel crash.
Au centre de l'enquête, encore à un stade initial, se trouvent des données propres à chaque moteur et indispensables à leur fonctionnement, ont précisé des sources proches du dossier.
Selon le scénario privilégié pour l'instant, les données, baptisées "paramètres de calibrage du couple d'hélices" ("torque calibration parameters"), ont été accidentellement effacées de trois des quatre moteurs.
Il est désormais conseillé aux pays clients de l'A400M de ne plus utiliser l'outil informatique d'Airbus qui a servi pour l'installation du logiciel, selon des sources proches du dossier.
Selon la conception de l'A400M, le premier avertissement que les pilotes recevraient en cas de problème des données liées au moteur n'interviendrait qu'une fois en l'air, environ 15 secondes après le décollage.
Les pilotes ont décidé de décoller en raison de cette logique informatique, confirmée par des sources proches de l'appareil, est en place depuis 2009 lors du premier vol de l'A400M développé pour un coût de 20 milliards d'euros.
Cette particularité a été examinée l'an passé lors de l'installation du dernier logiciel, mais les régulateurs l'ont certifié, en estimant que la probabilité d'une erreur était réduite et que le manuel d'installation prévoyait des vérifications complémentaires, selon des sources proches du dossier.
L'Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA), qui est responsable de la certification de l'A400M, et le ministère espagnol de la Défense, qui mène l'enquête sur le crash, se sont refusés à tout commentaire.
Un porte-parole du motoriste Europrop International,
consortium constitué de Rolls-Royce, Safran (PARIS:SAF), MTU Aero Engines et ITP, a renvoyé les questions vers Airbus.
Chez l'avionneur européen, une porte-parole a souligné que l'enquête était encore en cours et qu'il serait prématuré de tirer des conclusions.
"La sécurité est la première de nos priorités et nous ferons tout ce qui sera nécessaire pour avoir une compréhension totale de ce qui pourrait avoir entraîné cet accident tragique et prendre les mesures nécessaires", a-t-elle ajouté.
CIRCONSTANCES EXTRÊMEMENT RARES
Le 9 mai, une fois que l'A400M a décollé pour un vol d'essai de routine, les pilotes ont été confrontés à des circonstances extrêmement rares, selon des experts aéronautiques.
Les données informatiques manquantes fonctionnent comme les verres d'une paire de lunettes, qui sont adaptés à la vue de chaque utilisateur. Sans ces réglages personnalités, les unités de contrôle ne peuvent pas "voir" ce que fait chaque moteur et ne sont donc pas en mesure de déterminer la quantité de carburant à injecter.
La procédure habituelle est donc de bloquer le niveau de puissance du moteur pour éviter qu'il ne tourne dangereusement vite.
Selon des sources proches de l'enquête, le système a fonctionné comme il a été conçu pour le faire, ce qui ne présenterait pas de problème pour des pilotes entraînés à gérer un problème de puissance sur un moteur. Mais faire face à ce problème sur trois moteurs a emmené l'équipage en territoire totalement inconnu.
"Personne n'a imaginé qu'un problème tel que celui-ci pourrait se produire sur trois moteurs", a dit une source proche du projet.
L'EASA a désormais émis un avertissement sur le "contrôle réduit d'un avion" si deux moteurs ou plus sont affectés de cette manière, selon des sources proches de cette décision.
L'agence a confirmé l'envoi de cette directive, non encore publiée, aux pays clients mais s'est refusée à tout autre commentaire.
(Cyril Altmeyer pour le service français, édité par Juliette Rouillon)