PARIS (Reuters) - Manuel Valls a de nouveau engagé mardi à l'Assemblée nationale la responsabilité du gouvernement sur le projet de loi Travail, faute de majorité sur ce texte contesté au même moment dans la rue par une douzième mobilisation syndicale en quatre mois.
Le Premier ministre a défendu un "texte de progrès social" nécessaire face à la concurrence internationale, et renvoyé dos à dos "frondeurs" socialistes et opposition de droite, hostiles pour des raisons opposées à cette réforme du marché du travail.
"Nous constatons une alliance des contraires, une alliance des conservatismes et des immobilismes", a-t-il lancé. "Cette alliance, c'est celle de ceux qui ne veulent rien changer et qui, au fond, se satisfont du marché du travail tel qu'il est."
En vertu de l'article 49-3 de la Constitution invoqué mardi par Manuel Valls, si aucune motion de censure n'est présentée et votée contre le projet d'ici mercredi à 15h15, le texte sera réputé adopté et effectuera une dernière navette entre le Sénat et l'Assemblée avant son adoption définitive le 20 juillet.
Les frondeurs du PS, qui avaient refusé en mai de voter le texte en première lecture et contraint déjà Manuel Valls au 49-3, avaient proposé une tentative de compromis mardi matin.
Mais le Premier ministre leur a opposé une fin de non recevoir : "Il y a ceux qui prétendent artificiellement vouloir le compromis et il y a ceux qui patiemment le construisent."
"On est face à un mur d'intransigeance", a dit le "frondeur" Laurent Baumel, qui tente avec ses alliés de déposer une motion de censure de la "gauche de la gauche", malgré les menaces de sanction de la direction du Parti socialiste.
Celle-ci a averti que les signataires d'une telle motion seraient exclus du parti et ne pourraient donc pas obtenir leur investiture pour les élections législatives de 2017.
Le 11 mai, lors de la première lecture, un projet de motion de censure de gauche n'avait recueilli que 56 signatures de députés au lieu des 58 requises.
LA CGT DONNE RENDEZ-VOUS À LA RENTRÉE
Contrairement à ce qui s'est passé en mai, la droite a renoncé à déposer une telle motion. Les présidents des groupes Les Républicains (LR) et UDI (centristes) ont fait savoir que leurs troupes ne voteraient pas une motion de censure déposée par la gauche de la gauche.
"Nous avons décidé de stopper cette mascarade et de laisser Valls au milieu du champ de ruines qu'il a créé", a déclaré le chef du groupe LR à l'Assemblée, Christian Jacob.
Le président du Medef, Pierre Gattaz, avait pour sa part appuyé par avance l'utilisation du 49-3 "pour fermer la parenthèse" de quatre mois de contestation sociale.
Le dirigeant patronal a redit à la presse que ce projet de réforme était pour lui une "immense déception" dans sa version actuelle, la quatrième, édulcorée par rapport à la première pour satisfaire les syndicats réformistes, dont la CFDT.
Les syndicats opposés au texte, CGT et Force ouvrière en tête, organisaient mardi une 12e journée d'action en forme de baroud d'honneur avant les congés d'été, avec des défilés, notamment à Paris. Mais l'assistance était maigre.
Le recours au 49-3 est "un nouvel aveu d'échec pour le gouvernement", a déclaré en tête de cortège le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez. "On donne rendez-vous à tous les mécontents à la rentrée."
"Le mécontentement s'accentue avec un gouvernement qui, même quand sa majorité lui propose des modifications, les refuse et veut passer en force", a-t-il ajouté.
Plus de 120 députés PS avaient signé un amendement visant à empêcher un accord d'entreprise de fixer un taux de majoration des heures supplémentaires inférieur à 25% pour les huit premières et à 50% pour les suivantes, comme actuellement.
Manuel Valls a rejeté cette proposition, qui remettait en partie en cause l'article 2, le plus emblématique mais aussi le plus contesté d'un texte qui instaure la primauté des accords d'entreprise en matière d'organisation du travail, comme pour les heures supplémentaires et leur rémunération.
"Devant cette incapacité à réformer le pays sans le brutaliser, nous sommes très nombreux (à nous) interroger sur son aptitude à gouverner", a réagi Christian Paul, l'un des chefs de file des frondeurs.
(Emmanuel Jarry, avec Sophie Louet et Emile Picy, édité par Yves Clarisse)