PARIS (Reuters) - La première "programmation pluriannuelle de l'énergie" (PPE), publiée vendredi au Journal officiel, maintient le flou sur la façon dont le gouvernement envisage la réduction à 50% de la part du nucléaire dans la production d'électricité en France.
La PPE, objet d'un décret de la ministre de l'Environnement, Ségolène Royal, fixe les priorités de l'action des pouvoirs publics pour la période 2016-2023, pour atteindre les objectifs fixés par la loi d'août 2015 sur la transition énergétique.
Attendu depuis des mois, ce document, fruit d'un processus d'élaboration laborieux, réaffirme l'objectif d'une réduction de la part du nucléaire dans la production électrique française de 76% en 2015 à 50% à l'horizon 2025.
Mais hormis la confirmation de la publication cette année du décret d'abrogation de l'autorisation d'exploiter des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim, il reste très vague sur la mise en oeuvre pratique de cet objectif, renvoyée à l'après-élection présidentielle de 2017.
La fermeture de Fessenheim interviendra au cours de la première période de la PPE, c'est-à-dire 2016-2018, lit-on dans le volet relatif à l'offre d'énergie.
Mais ce volet fixe une fourchette très large de réduction de la production annuelle d'électricité d'origine nucléaire, "entre 10 TWh et 65 TWh" à l'horizon 2023.
"Cette réduction sera le résultat de la fermeture de la centrale de Fessenheim et de plusieurs paramètres qui seront connus au fur et à mesure des visites décennales conduites par l'Autorité de sûreté nucléaire", lit-on dans ce document.
Ces paramètres sont la baisse de la disponibilité des réacteurs en fonction des travaux de maintenance et de sûreté, des fermetures et des prolongations de réacteurs, ainsi que de l'évolution de la consommation et des exportations d'électricité et du rythme de développement des énergies renouvelables.
En tout état de cause, précise la PPE, les décisions de fermeture de réacteurs, hors Fessenheim, ou de prolongation de l'activité de certains d'entre eux, n'interviendront que dans la deuxième phase, en 2019-2023.
TRAHISON
Or les sondages prédisent une alternance en faveur de la droite en 2017 et des prétendants à la présidence ont déjà fait savoir qu'ils reviendraient sur certaines dispositions de la loi de transition énergétique s'ils étaient élus.
C'est le cas du maire de Bordeaux, Alain Juppé, favori des sondages, qui juge "absurde" l'objectif de réduction à 50% de la part du nucléaire dans le mix énergétique français pour l'électricité et promet de le supprimer. Il assure également qu'il annulera la fermeture de la centrale de Fessenheim.
Par ailleurs, la PPE fixe notamment à 70% l'augmentation des capacités de production d'énergie électrique renouvelable installées en 2023 pour atteindre 71 à 78 GW afin de porter cette production à hauteur de 150 à 167 TWh.
Elle fixe à 2023 l'arrêt définitif de la production d'électricité à partir du charbon. La même année, la consommation finale d'énergie aura dû baisser de 12,3% (-22% pour les énergies fossiles) par rapport à 2012.
Le volet énergies renouvelables est beaucoup plus étoffé et précis que le volet nucléaire, tant en ce qui concerne ses objectifs chiffrés que ses modalités de mise en oeuvre.
Les organisation de défense de l'environnement crient à la trahison. Ainsi, pour Greenpeace, cette PPE "torpille la loi de transition énergétique".
Selon cette organisation, la PPE devrait prévoir la fermeture de 21 à 23 des 58 réacteurs français d'ici 2023 pour tenir les objectifs de réduction de la part d'électricité nucléaire.
"Au moment où la France se félicite de l'entrée en vigueur de l'accord de Paris (sur la lutte contre le réchauffement climatique), elle le trahit en renonçant à ses engagements pour la transition énergétique", dénonce Greenpeace.
"Avec la PPE publiée aujourd'hui, la France, qui a déjà un retard considérable sur le développement des renouvelables, n'atteindra jamais les objectifs qu'elle s'est fixés", ajoute l'organisation écologiste.
(Emmanuel Jarry, avec Bate Felix et Michel Rose, édité par Yves Clarisse)