Baisse des prix insuffisante ou illisible, promesses de créations d'emplois trop optimistes: trois mois après la mise en place de la TVA à taux réduit, les restaurateurs sont sous le feu des critiques au vu des maigres efforts consentis jusqu'à présent par la profession.
Le coup le plus rude est venu mercredi de la Cour des comptes, qui a jugé "optimiste" l'objectif affiché par les restaurateurs de 40.000 créations d'emplois supplémentaires en deux ans en échange de la mise en place de la TVA à 5,5% (sauf pour les alcools). La Cour des Comptes table plutôt sur 6.000 emplois seulement à long terme.
Son président Philippe Séguin a enfoncé le clou en se disant "réservé sur le respect des engagements d'embauche et de baisse des prix" des restaurateurs, estimant que les effets de la TVA réduite en terme d'emploi n'étaient "pas démontrés".
De leurs côtés, les associations de consommateurs, circonspectes en juillet, ne taisent désormais plus leurs critiques.
Les restaurateurs ont été 70% à utiliser la baisse de la TVA pour "maintenir l'emploi", 65% à l'utiliser pour "baisser les prix", et 36% s'en sont aussi servis pour "améliorer leurs marges", selon un sondage Ifop réalisé pour la mutuelle de retraite Médicis, publié vendredi.
Vendredi, la CLCV a même demandé "aux pouvoirs publics" d'imposer "aux restaurateurs une baisse de 5% sur tous les prix".
Le Contrat d'avenir signé avec l'Etat prévoient qu'ils baissent les prix d'au moins 11,8% sur au moins sept produits. Une partie des fruits de la TVA réduite doit par ailleurs être réaffectée aux salaires, à l'emploi et à la modernisation de leurs établissements.
La CLCV, qui a examiné les cartes des restaurants de 82 villes dans 26 départements, a relevé qu'un établissement sur deux seulement avait baissé ses prix.
Et parmi eux, rares sont ceux qui ont scrupuleusement appliqué les -11,8% prévus à une partie de leur carte et qui font clairement figurer le changement de tarifs. Les autres ont fait à leur convenance, ce qui rend cette baisse "illisible", estime l'association.
D'où "un réel sentiment de non-baisse des prix", conclut la CLCV.
En septembre déjà, le magazine 60 Millions de Consommateurs avait jugé "trop nombreux" les restaurants "récalcitrants", même si les chaînes de restauration ont baissé leurs prix au-delà des engagements.
L'Insee a pour sa part établi que l'addition au restaurant avait baissé de 1,3% en juillet, puis de 0,2% en août. Loin de l'objectif d'une baisse globale des prix de 3% retenu par le gouvernement et les professionnels.
En réponse à ces critiques, le secrétaire d'Etat au Commerce Hervé Novelli et les syndicats de restaurateurs demandent de la "patience", tout en reconnaissant que les professionnels pourraient mieux faire.
Côté prix, M. Novelli se donne "jusqu'à la fin de l'année" pour dresser un bilan. Ensuite, les changements de carte et l'inflation rendront toute comparaison difficile.
Côté emploi, le Contrat d'avenir court sur deux ans, fait valoir la profession. Les investissements de modernisation sont prévus, eux, sur trois ans.
"On fera le bilan fin 2011" pour l'emploi, mais on regardera aussi les prix, les salaires, les investissements, insiste Christine Pujol, la présidente de l'Umih, principal syndicat de restaurateurs.
Elle fait valoir que le nombre de contrats d'apprentissage a déjà augmenté de 3%, selon une enquête réalisée par son syndicat, alors que la rentrée n'est pas terminée.
Mme Pujol met aussi en avant une étude de l'IFRAP, un cabinet qui analyse les performances des politiques publiques, commandée par l'Umih. Celle-ci conclut que la baisse de la TVA, qui représente un manque à gagner de 3 milliards d'euros par an pour l'Etat, doit permettre au secteur de créer au moins 31.500 emplois directs.