Le premier constructeur automobile français PSA Peugeot Citroën a provoqué un choc dans le pays et le premier séisme social pour le gouvernement, en annonçant jeudi un plan de 8.000 suppressions de postes et la fermeture de l'usine d'Aulnay.
Le président François Hollande a exprimé sa "vive préoccupation" et le Premier ministre Jean-Marc Ayrault évoqué un "véritable choc".
Le plan de suppressions de postes, dont le détail devrait être dévoilé vendredi dans chaque site de production, est d'une ampleur inégalée depuis la crise de 2008/2009 tous secteurs confondus, lorsque PSA avait déjà fait partir 5.700 salariés volontaires.
"Il n'y aura pas de licenciements secs, nous proposerons une solution à chaque salarié", a assuré sur TF1 Philippe Varin, le patron du groupe. Auparavant, il avait dit "mesurer pleinement la gravité des annonces" ainsi que "le choc et l'émotion". "Personne ne sera laissé au bord du chemin", a-t-il promis.
"La guerre est déclarée", a répliqué Jean-Pierre Mercier, délégué CGT de PSA, pour qui "en temps de crise économique, c'est un crime social (...) de sacrifier Aulnay au nom de la rentabilité".
Le groupe a mis en avant des pertes au premier semestre et une réduction durable des marchés en Europe pour justifier ces décisions radicales, qui s'ajoutent à celles de fin 2011.
PSA avait alors annoncé son intention de supprimer 6.000 postes en Europe, dont près de 4.000 en France, y compris chez les prestataires (2.100).
Fin 2011, le groupe comptait environ 100.000 salariés en France, dont plus de 80.000 dans sa branche automobile.
Le gouvernement a réagi avec force. Jean-Marc Ayrault a demandé à PSA d'étudier "toutes les alternatives".
PSA Peugeot Citroën "a un devoir vis-à-vis de la nation France", a lancé Arnaud Montebourg sur France 2.
Le ministre du Redressement productif, qui doit annoncer un plan d'aide à la filière automobile le 25 juillet, a précisé qu'il "réunirai(t) bientôt" les syndicats.
Philippe Varin a rejeté jeudi l'idée d'un prêt ou d'une entrée de l'Etat au capital du constructeur. "Nous avons une sécurité financière importante", a-t-il expliqué, alors que le cours de Bourse est tombé jeudi à un niveau historiquement bas (sous 7 euros).
A Bruxelles, la Commission européenne s'est dite prête à examiner la mobilisation de fonds pour des aides à l'emploi.
Le nouveau plan prévoit la fin de l'assemblage à Aulnay (3.000 postes), la suppression de 1.400 postes à Rennes (soit un poste sur quatre), et de 3.600 emplois dans les effectifs hors production tous sites confondus, dont 1.400 en recherche et développement.
PSA s'est engagé jeudi à attribuer un nouveau modèle à Rennes pour l'après 2016.
De nombreux responsables syndicaux et politiques, à droite comme à gauche, ont très vivement réagi à ces annonces.
Parmi eux, l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a appelé à trouver "une réponse dans l'unité nationale", après ce "drame".
Bernard Thibault (CGT) a parlé de "séisme". "Dès lors que Peugeot annonce la suppression de 8 à 10.000 emplois, il faut multiplier par trois, voire quatre, pour mesurer l'impact en termes d'emploi", a-t-il dit.
Pour Jean-Claude Mailly (FO), "il s'agit d'une purge sévère" et les salariés paient "la facture d'erreurs stratégiques".
Colère à Aulnay, morosité à Rennes
A Aulnay, des salariés ont fait part de leur colère et de leur amertume. "Ce n'est pas une surprise, mais on est en colère. Pendant un an, on nous a pris pour des idiots", a déclaré Jean-Jacques, 53 ans.
La fin de la production à Aulnay était redoutée depuis un an, après la révélation par la CGT de PSA de documents confidentiels évoquant précisément ce schéma.
A Rennes, l'ambiance était morose: "En 2008, on était plus de 8.000 salariés. Depuis 2007, on n'a jamais cessé d'être en mesures de départs volontaires", raconte, la gorge nouée, la déléguée FO Nadine Cormier.
Pour Aulnay, après le traditionnel mois de vacances en août, "une grande bataille va commencer en septembre", a pronostiqué Jean-Pierre Mercier.
"Dramatique", a commenté Franck Don (CFTC PSA), "convaincu que la stratégie de montée en gamme va amplifier les pertes d'emplois en France". "La baisse des effectifs en R&D est gravissime", selon lui.
Sur les 8.000 suppressions de postes, le constructeur prévoit 6.500 départs nets du groupe, et donc 1.500 reclassements internes.
Le groupe tentera de trouver des volontaires au départ, selon des modalités à définir. Le constructeur a dit avoir enregistré une perte nette au premier semestre 2012, dont l'ampleur n'est pas précisée. Il table sur un recul du marché européen de 8% cette année et de -10% en ce qui le concerne.
Le 25 juillet, il donnera ses résultats semestriels.