Le patron de Google Eric Schmidt a été reçu lundi par le président François Hollande, une plongée en milieu hostile alors que le gouvernement, poussé par les éditeurs de presse français et européens, est déterminé à faire payer une taxe au moteur de recherche américain.
Eric Schmidt, qui s'est entretenu durant trois quarts d'heure avec le chef de l'Etat, a quitté l'Elysée peu avant 18H00 sans faire de déclaration. La cour de l'Elsyée avait été fermée aux médias.
Italiens et Allemands font cause commune avec les Français pour réclamer l'instauration d'un droit payant reversé par Google aux organes de presse, arguant que ce sont leurs contenus régulièrement actualisés qui drainent les visiteurs vers le géant du net, lui permettant de réaliser d'importants profits publicitaires.
Google rétorque qu'il redirige "quatre milliards de clics par mois" vers les éditeurs dans le monde.
"Ce mouvement européen nous permet de ne pas être démunis face à Google. Il ne faut pas qu'on considère que tous les combats sont perdus face à ces grandes entreprises du numérique", a souligné lundi sur France Inter la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti.
Il "est normal que les grands sites agrégateurs participent au financement de la presse", a réaffirmé la ministre, qui a reçu lundi le patron de Google.
Arrivé à 15H00 rue de Valois, le patron du moteur de recherche américain est ressorti 40 minutes après sans faire aucun commentaire. Rien n'a non plus filtré de l'entretien du côté du ministère.
Sourd à ce stade aux revendications d'une presse qui prend la crise de plein fouet, le moteur de recherche américain menace de ne plus référencer les journaux français si une telle taxe devait voir le jour, c'est-à-dire de ne plus afficher les liens qui renvoient le lecteur vers leurs sites.
Instaurer une taxe serait "néfaste pour internet et pour les internautes", a mis en garde Olivier Esper, responsable de Google, dont le siège social est basé en Irlande et échappe ainsi à la taxation sur les sociétés dans l'Hexagone.
"Discussion apaisée"
Selon Le Figaro, François Hollande serait lui favorable à une loi pour contraindre Google à partager les bénéfices créés par l'information en ligne.
Il l'aurait affirmé aux éditeurs de la presse quotidienne régionale qu'il recevait à déjeuner mercredi dernier avec Mme Filippetti: "Il nous a affirmé qu'il soutiendra l'adoption d'un texte de loi dès janvier 2013", a raconté un convive au Figaro.
En revanche, Fleur Pellerin, ministre déléguée au numérique, qui sera au côté de François Hollande lundi après-midi à l'Elysée, préférerait se passer d'une "Google Lex" et prône "une discussion apaisée".
Selon le site d'information américain spécialisé Quartz, la ministre préconiserait un délai de "trois mois" pour des négociations.
"J'espère que Google vient avec des propositions concrètes", souhaite lundi dans Le Figaro la présidente de l'Association de la presse d'information politique et générale, Nathalie Collin, une des initiatrices du projet de loi au coeur du débat.
Les éditeurs restent néanmoins divisés sur le dossier: pour le syndicat de la presse en ligne (Spiil) qui regroupe les sites d'information sur internet, les "pure players" comme Mediapart, Atlantico, Slate ou Rue89, une telle taxe ne tient pas compte de la spécificité d'internet.
"Admettons que cette taxe marche, elle serait évidemment une source de revenu à court terme mais nous pensons qu'à long terme cela va détruire la diversité de la presse", a déclaré lundi à l'AFP son président Maurice Botbol.
"La presse est déjà totalement dépendante de Google au niveau de l'audience, si à cela on ajoute une dépendance économique, Google pourra décider de tout", estime-t-il.