Récupérer des milliards d'euros mais risquer les milliers de suppressions d'emplois promises par les patrons: le gouvernement n'a plus qu'à trancher après un rapport parlementaire l'invitant à relever la TVA sur la restauration.
Le rapport du député socialiste Thomas Thévenoud, adopté mardi en Commission des finances, juge "inévitable" de revenir sur l'avantage fiscal accordé sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. "Hérésie économique" qui bénéficie à un secteur non-soumis à la concurrence internationale, contrairement à l'industrie, il s'est révélé "très coûteux pour les finances publiques".
Le rapporteur PS général du Budget à la Commission des finances, Christian Eckert, a jugé que le rapport était "une démonstration implacable", selon une source parlementaire, d'une "mesure coûteuse, inutile et financée par l'emprunt".
Le document est "une contribution utile", a reconnu la ministre du Commerce, Sylvia Pinel, qui dit que "de fortes divergences persistent entre les restaurateurs et le gouvernement".
Mardi, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a constaté des "déséquilibres à corriger" sur la TVA restauration.
Le gouvernement attend désormais la remise lundi du rapport Gallois sur la compétitivité et la fin d'une concertation à Bercy, promise pour mi-novembre, pour trancher.
Selon M. Thévenoud, 3,08 milliards d'euros pourraient entrer dans les caisses de l'Etat dès 2013 si la TVA est remontée de 7% à 19,6% mais ce serait un choix difficile à mettre en oeuvre étant donné la crise, reconnaît le député.
En contrepartie, sont préconisées des aides aux petits établissements de moins de 20 salariés pour "soutenir l'attractivité touristique de la France" et "l'emploi dans nos territoires ruraux".
S'il choisit de remonter le taux intermédiaire, de 7% à 10%, voire 12%, l'exécutif fera face à un casse-tête: le droit européen impose en effet de remonter aussi d'autres secteurs à 7% (rénovation de l'habitat, hôtellerie, spectacles, transports....) ou de les descendre à 5,5%.
Front commun restaurateurs et syndicats
Une augmentation d'un point de la TVA dans la restauration rapporterait 300 millions d'euros. Si l'ensemble des secteurs à 7% remontent, une hausse d'un point rapporterait jusqu'à 1,1 milliard d'euros, a calculé M. Thévenoud.
Face à lui, les restaurateurs haussent le ton et se sont adjoints les syndicats de salariés pour peser davantage. Selon eux, la hausse de la TVA menace 100.000 emplois.
"Relever le taux de TVA serait une mesure anti-sociale" dont François Hollande "porterait la responsabilité" a mis en garde le président de l'Umih, première organisation patronale du secteur, Roland Heguy.
Les syndicats se disent "solidaires" des patrons. "C'est nous qui allons payer les premiers" en cas de hausse, redoute Michel Jeanpierre, de la CFTC.
Une hausse de la TVA irait "contre des salariés qui ont voté pour ce gouvernement", relève Dejan Terglav, de Force ouvrière (FO). "Cela va forcément entraîner la rupture du dialogue social".
La CGT juge dans un communiqué qu'une hausse de la TVA constituerait "une triple peine pour les salariés" qui entraînerait "la perte de l'équivalent de près d'un mois de salaire pour des milliers de salariés", déjà pénalisés par la fin de l'exonération des heures supplémentaires et les hausses d'impôt.
Le député Thévenoud balaye ces inquiétudes, mettant en cause le "double discours" des restaurateurs, qui se disent "au bord du gouffre" mais se plaignent de 50.000 emplois non pourvus.
Il juge que les avancées sociales consenties par le patronat depuis 2009 "ont été relativement faibles" et que la prime TVA, à hauteur de 2% du salaire brut annuel, "ce n'est même pas un 13e mois".
"Ce n'est pas la pression des lobbies, des corporatismes et des grands groupes industriels ou de la restauration qui me fera reculer", a-t-il ajouté.