La nervosité règnait sur les parquets de Wall Street à l'approche de la présidentielle américaine de mardi, les courtiers espérant, sans trop y croire, une victoire du candidat républicain à la Maison Blanche, Mitt Romney, face au démocrate sortant, Barack Obama, qui les a déçus.
Après quatre années d'une présidence "particulièrement dure à l'égard du monde de la finance, Obama a perdu Wall Street", résume Christopher Low, de FTN Financial, qui évoque pêle-mêle un arsenal réglementaire très lourd, un personnel politique "agressif" vis-à-vis des entreprises, et le discours "très critique" du président lui-même.
Fondateur du fonds d'investissements Bain Capital, homme d'affaires avant de devenir homme politique, Mitt Romney est au contraire largement perçu sur la place new-yorkaise comme "un homme aux vues politiquement favorables" aux entreprises et au marché, admet Kathy Lien, de BK Asset Management.
Pour Peter Morici, professeur d'économie à l'Université du Maryland, les Etats-Unis ont désormais "le choix entre l'échec et l'inconnu". Or, "l'économie mondiale est au bord de l'effondrement, et cette élection pourrait bien être cruciale si les Etats-Unis veulent éviter une nouvelle Grande Dépression", avance-t-il.
"Obama a été un bon président, il a dépensé 1.400 milliards de dollars" pour sauver l'économie américaine, "et la Fed (la Réserve fédérale américaine) a fait ce qu'elle a pu" pour stimuler la croissance, souligne Stéphane Ventilato, de Banca IMI Securities. "Mais désormais, il faut un président qui sait retrousser ses manches, un président de terrain plus pragmatique pour donner un peu plus de vitalité à la Maison Blanche, à un moment où la situation demande d'agir très vite".
Les perspectives sombres de grandes entreprises américaines accentuent la morosité du marché dans un contexte de reprise économique fragile.
D'autant que la menace constituée par le "mur budgétaire", qui combinerait l'expiration de mesures de relance et l'entrée en vigueur automatique de baisses des dépenses publiques, en l'absence d'accord entre démocrates et républicains au Congrès à la fin de l'année, ne semble pas encore en passe d'être évitée.
Un scrutin crucial pour la politique monétaire américaine
Les conséquences d'une victoire du candidat démocrate ou du républicain sur la performance du marché ne sont pourtant pas claires.
"Bien que les républicains se présentent comme plus +pro-business+ que leurs opposants", si l'on regarde de près l'évolution de l'indice S&P 500 au cours des deux dernières présidences, "le S&P a plongé de 31,6% sous l'administration de George W. Bush mais s'est apprécié de 59,1% sous M. Obama", remarque Evariste Lefeuvre, de Natixis.
Une victoire de M. Obama "déclencherait certainement une dégringolade du marché à court terme mais il se restabiliserait par la suite", prévoit Mace Blicksilver, de Marblehead Asset Management, "tandis qu'il s'envolerait tout de suite après l'élection de M. Romney avant d'être mis sous pression".
Car pour de nombreux stratèges de Wall Street, au-delà des seules personnalités des candidats et de leur programme en matière de fiscalité, le scrutin du 6 novembre sera crucial pour la politique monétaire des Etats-Unis.
"Si Romney est élu, (le président de la Fed) Ben Bernanke recevra un aller simple pour rentrer chez lui", souligne M. Blicksilver, se faisant l'écho de nombreux courtiers qui prévoient un changement à la tête de l'institution en cas de victoire du candidat républicain.
"Or soyons honnête, c'est grâce aux dépenses publiques et aux emprunts" de la Fed que le marché a connu un tel essor depuis trois ans, reconnaît-il.
Depuis l'automne 2008, soit quelques mois avant l'arrivée au pouvoir de M. Obama, la Fed a injecté 2.340 milliards de dollars dans le circuit financier. Elle a annoncé en septembre le lancement d'une troisième vague de rachats d'actifs (QE3).