Le Conseil d'Etat a invalidé jeudi en référé la limitation par le gouvernement à 2% de la hausse des tarifs réglementés du gaz au quatrième trimestre 2012, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle hausse pour les consommateurs.
Dans une ordonnance, la haute juridiction administrative a donné raison à l'Anode, un groupement de petits concurrents de GDF Suez, qui soulignait que l'augmentation décidée par le gouvernement par arrêté était inférieure à ce que prévoyait la formule légale en vigueur et lui portait préjudice.
Selon la Commission de Régulation de l'Energie (CRE), les tarifs réglementés offerts par GDF Suez auraient en effet dû augmenter de 6,1% au 1er octobre; mais le gouvernement avait voulu faire un geste pour le consommateur.
"Il existe un doute sérieux quant à la légalité" de cet arrêté, a tranché le Conseil d'Etat, qui l'a suspendu et a donné au gouvernement un délai d'un mois pour en prendre un nouveau.
Dans sa décision, la juridiction estime notamment que l'arrêté ministériel en question "porte une atteinte grave et immédiate à la situation économique" des membres de l'Anode (Poweo Direct Energie, Eni France, Gaz de Paris et Planète Oui) en les contraignant à s'aligner sur les tarifs réglementés injustement bas de GDF Suez, ainsi qu'à la concurrence sur le marché du gaz français.
Cette victoire de l'Anode était largement attendue. Dans un scénario très similaire, le groupement avait en effet déjà obtenu l'an dernier l'annulation par le Conseil d'Etat d'un gel des tarifs réglementés du gaz non conforme à la formule légale en vigueur.
Après ce revers, le gouvernement risque d'être contraint, comme son précédesseur, à une hausse significative au 1er janvier et un nouveau rattrapage rétroactif sur les factures de GDF Suez pour le quatrième trimestre, le géant gazier ayant confirmé jeudi avoir déposé un recours comme l'an passé.
"Politique de l'autruche", selon UFC-Que Choisir
En "prenant acte", la ministre de l'Energie Delphine Batho a annoncé jeudi qu'elle rendrait publics le 10 décembre la décision du gouvernement pour le premier trimestre, ainsi que ses pistes de travail pour "optimiser" les tarifs.
Ce nouvel épisode de l'interminable feuilleton des prix du gaz a poussé l'UFC-Que Choisir à dénoncer "l'entêtement" de l'Etat.
"Le gouvernement a une politique de l'autruche, on fait comme si la formule légale n'existait pas, et on prend ostensiblement une mesure dont on sait qu'elle va être retoquée par le Conseil d'Etat", a déclaré à l'AFP Alain Bazot, le président de l'association de consommateurs qui plaide pour un changement de formule.
La formule actuelle fait la part belle aux contrats à long terme. Une piste, déjà utilisée par le précédent gouvernement, est de recourir davantage à des contrats à court terme dits "spot", parfois moins chers.
Mais ceux-ci sont aussi plus risqués en terme de sécurité d'approvisionnement, et ne sont pas non plus une garantie financière.
"C'est exactement ce qu'ils ont fait l'année dernière. Ce n'est pas du tout satisfaisant, et dans un avis de la CRE il est écrit très clairement que la nouvelle formule de cette année a provoqué plus de hausses que la précédente", a souligné le président de l'Anode, Fabien Choné.
Il a appelé à "arrêter de tripatouiller la formule" et à améliorer les tarifs sociaux pour les plus modestes tout en "faisant la promotion de la concurrence" sur le marché du gaz et de l'électricité, "comme le gouvernement le fait avec les carburants".
Depuis juillet 2005, le tarif réglementé du gaz pour les particuliers a augmenté de 79,6%, selon des données de la CRE compilées par l'AFP.