Le Parlement chypriote doit se prononcer lundi sur le plan de sauvetage européen très impopulaire sur l'île prévoyant de prélever une taxe sur tous les dépôts bancaires, une mesure sans précédent dans la zone euro qui fait trembler les marchés financiers.
Le président Nicos Anastasiades a assuré dimanche que le plan de sauvetage, malgré ses conditions draconiennes, était la solution "la moins douloureuse" pour le pays, tout en espérant que l'Eurogroupe amende ses décisions pour limiter l'impact sur les petits déposants.
Le président conservateur a réuni son cabinet lundi matin, jour férié à Chypre, et devait s'exprimer devant les parlementaires en fin de matinée. Le vote des 56 députés est prévu vers 16H00 (14H00 GMT), tandis que des syndicats ont appelé à manifester en même temps devant le Parlement.
Les débats risquent d'être houleux, le parti communiste Akel, qui dispose de 19 sièges, et les socialistes de l'Edek (5 sièges) ayant d'ores et déjà rejeté le plan de sauvetage, également critiqué au sein du Diko (centre-droit, 8 sièges), allié du parti de droite Disy du président.
"Si l'accord est rejeté, alors nous nous retrouverons très probablement hors de l'Europe et nous devrons repartir de zéro", estime l'économiste chypriote Simeon Matsi.
En contrepartie d'un prêt de 10 milliards d'euros pour l'île au bord de la faillite, les bailleurs de fonds ont exigé l'instauration d'une taxe exceptionnelle de 6,75% sur tous les dépôts bancaires en-deçà de 100.000 euros et de 9,9% au-delà, ce qui devrait rapporter 5,8 milliards d'euros.
A ces taxes s'ajoutent des privatisations et une hausse de l'impôt sur les sociétés, qui passera de 10 à 12,5% sur l'île longtemps perçue comme un paradis fiscal et soupçonnée de manquer de vigilance sur la provenance des fonds placés dans ses banques, en particulier depuis la Russie.
Selon les médias locaux, des négociations étaient encore en cours pour limiter la ponction à 3% en-dessous de 100.000 euros et l'augmenter à 15% au-dessus de 500.000 euros.
Des milliards russes sur le départ
Chypre est le cinquième pays de la zone euro à bénéficier d'un programme d'aide internationale, avec un montant très inférieur aux centaines de milliards déboursés pour la Grèce et aux dizaines de milliards versés au Portugal, à l'Irlande et pour renflouer le secteur bancaire espagnol.
Mais la décision radicale et inédite de taxer tous les dépôts bancaires mettait lundi les banques de l'ensemble de la zone sous pression et pesait sur les marchés financiers.
En début de matinée, Madrid affichait la plus forte baisse à -2,45%, suivie par Milan (-2,15%), Paris (-2,01%), Francfort (1,58%) et Londres (1,37%). Les Bourses asiatiques avaient déjà donné le ton un peu plus tôt, Tokyo finissant sur une forte baisse de 2,71% et Hong Kong perdant 2%.
Affecté lui aussi, l'euro s'affichait lundi matin vers 09H15, à 1,2935 dollar contre 1,3075 dollar vendredi soir.
A Moscou, le président russe Vladimir Poutine a jugé "injuste" et "dangereuse" la taxe sur les dépôts bancaires chypriotes, qui va durement toucher les fortunes russes placées sur l'île, a indiqué lundi son porte-parole.
Les experts estiment les avoirs russes à Chypre à au moins 20 milliards de dollars, bien plus selon certaines évaluations.
"Le plan de l'Eurogroupe a porté un coup sévère à Chypre, il a sonné le glas du secteur financier de Chypre (...). Personne ne va plus faire confiance à Chypre quoi qu'il arrive", estime l'économiste Simeon Matsi.
"Les Russes signalent déjà qu'ils veulent retirer leur argent", a-t-il ajouté, faisant état de démarches entreprises par des avocats pour déplacer plusieurs milliards d'euros dès que les transferts seront à nouveau autorisés.
Dans l'immédiat, la seule option pour retirer de l'argent restait les distributeurs automatiques, qui ont connu une fréquentation inédite pendant tout le week-end. Lundi matin, la banque centrale a annoncé qu'ils étaient en cours de ré-approvisionnement.
Mais quelle que soit la décision du Parlement, les banques pourraient rester fermées encore plusieurs jours, pour éviter une ruée aux guichets.