La banque UBS France a écopé d'une amende de 10 millions d'euros, infligée par le gendarme français du secteur pour "laxisme" dans le contrôle de pratiques commerciales pouvant relever du blanchiment de fraude fiscale.
La commission des sanctions de l'ACP, qui avait ouvert une procédure disciplinaire en avril 2012, a assorti sa décision d'un blâme à l'encontre d'UBS France.
Cette sanction financière est la plus importante jamais prononcée par l'ACP depuis sa création en 2010, et même par son ancêtre la Commission bancaire. Une sanction de 20 millions avait été prononcée en 2009 contre la Caisse nationale des Caisses d'Epargne (CNCE), mais elle avait été annulée par le Conseil d'Etat.
"C'est une décision dont je ne comprends ni l'ampleur, ni un certain nombre de motifs", a déclaré à l'AFP le PDG d'UBS France, Jean-Frédéric de Leusse. "L'air du temps ne nous est pas très favorable, le climat fait qu'être filiale française d'une banque suisse aujourd'hui, aujourd'hui encore plus qu'hier, est quelque chose qui fait que personne n'a beaucoup de mesure à notre égard", a-t-il poursuivi.
Hasard du calendrier, l'annonce est tombée le jour de l'audition de Jérôme Cahuzac devant la commission d'enquête parlementaire mise en place après que l'ex-ministre du Budget a avoué détenir un compte bancaire caché à l'étranger, ouvert chez UBS.
"Comment ne pas penser que le contexte général a pu influencer une sanction aussi disproportionnée?", a commenté M. de Leusse, qualifiant de "très forte" la probabilité d'un recours dans le délai imparti des deux mois.
"La direction d'UBSF a été informée au plus tard à l'automne 2007 d'un grave risque de non-conformité susceptible de provoquer des poursuites judiciaires ou disciplinaires et de compromettre la réputation de l'établissement", a relevé la commission des sanctions de l'ACP dans sa décision rendue publique mercredi, constatant le "laxisme" des procédures appliquées à l'époque.
Prévenue de "graves soupçons pesant sur l'implication possible de son réseau commercial dans la facilitation d'opérations susceptibles d'être qualifiées de démarchage illicite et de blanchiment de fraude fiscale", la direction a néanmoins "attendu plus de 18 mois avant d'entreprendre la mise en place des procédures d'encadrement et de contrôle nécessaires pour remédier à ce risque de non-conformité de son activité transfrontalière", a expliqué l'Autorité.
"Manquement particulièrement condamnable"
Laisser s'écouler un tel laps de temps avant de "traiter ce grave risque, qui exigeait une réaction immédiate, constitue un manquement particulièrement condamnable", a-t-elle estimé.
La commission des sanctions a également réprimé le fait qu'UBS France n'a pas contrôlé les conditions dans lesquelles ses chargés de clientèle ont été habilités par sa maison mère à alimenter un fichier informatique, géré par cette dernière, répertoriant les prospects susceptibles d'ouvrir des comptes à l'étranger. Elle a également failli à contrôler l'usage de cette habilitation.
"La commission, qui n'a pas eu à rechercher si ces pratiques visaient ou non à dissimuler des délits, ne peut manquer de relever qu'elles n'étaient pas de nature à les prévenir", a souligné l'Autorité.
UBS France, créée en 1999, avait immédiatement réagi, dénonçant dans un communiqué "l'importance injustifiée de la sanction pécuniaire prononcée et le caractère contestable de nombreux motifs de la décision".
Elle a pris "acte de ce que la commission reconnaît dans sa décision que des mesures appropriées ont été prises pour renforcer ce dispositif de contrôle interne".
Premier groupe bancaire suisse, UBS a été mis en examen début juin en France. Il est soupçonné d'avoir mis en place dans l'Hexagone un système de démarchage illégal de clients les incitant à ouvrir des comptes non déclarés en Suisse dans les années 2000.
Cette mise en examen pour "démarchage illicite" est intervenue six jours après celle de sa filiale française pour "complicité de démarchage illicite".
La banque suisse a également été placée sous statut de témoin assisté pour "blanchiment de démarchage illicite" et "blanchiment de fraude fiscale", et a été placée sous contrôle judiciaire avec un cautionnement de 2,9 millions d'euros.
Outre la banque et sa filiale française, un ancien directeur général d'UBS France, Patrick de Fayet, un ancien dirigeant du bureau d'UBS à Lille et un cadre salarié d'UBS à Strasbourg ont également été mis en examen.