L'économiste français Thomas Piketty a critiqué mardi la politique fiscale de la Suède, estimant qu'elle entraînait sur la mauvaise pente un pays qui avait constitué un modèle dans la réduction des inégalités.
Dans un entretien avec le quotidien économique Dagens Industri, l'auteur du "Capital au XXIe siècle" s'en est pris à la suppression des droits de succession en 2005, par un gouvernement de gauche, puis de l'impôt sur la fortune en 2007 par le gouvernement du conservateur Fredrik Reinfeldt, toujours au pouvoir.
"C'est une idée folle d'avoir zéro impôt sur la fortune et sur la succession. L'un des prétextes à leur suppression, c'était que la Suède se voyait comme un acteur mineur et qu'ils étaient faciles à éviter en déménageant son argent à l'étranger", a estimé M. Piketty.
À l'époque en effet, l'exil fiscal et l'attractivité de la Suède pour les riches investisseurs étaient au coeur du débat, l'exemple du départ pour la Suisse du fondateur d'Ikea Ingvar Kamprad étant régulièrement cité.
Alors que dans son livre M. Piketty fait de la Suède des années 1970-1980 un exemple historique de société égalitaire, le pays est d'après lui en train de s'éloigner de ce modèle.
"Les inégalités, en tout cas en ce qui concerne le sommet des revenus, ont augmenté beaucoup plus vite que le revenu moyen ces 20 dernières années en Suède", a-t-il souligné.
"La Suède a été à une époque inégalitaire, puis elle est devenue égalitaire. En Amérique les circonstances ont été inverses. Les États-Unis étaient plus égalitaires que l'Europe jusqu'à l'entre-deux guerres. Ensuite ils sont devenus plus inégalitaires. Ces choses évoluent", a-t-il expliqué.
Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la Suède est le pays membre où les inégalités se sont accrues le plus rapidement entre 1985 et 2000.