par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - Il n'y a pas d'autre politique économique possible: tel est le message lancé mercredi par François Hollande à une majorité socialiste rétive qu'il appelle à s'unir pour "convaincre" des Français frappés par la sinistrose et "l'emporter à la fin".
Dans une longue interview publiée dans Le Monde, le président s'adresse à ses troupes à une semaine des universités d'été du PS de La Rochelle, où les voix discordantes réclameront encore une inflexion de la politique de l'offre appliquée depuis deux ans, que l'Elysée entend accélérer malgré l'absence de résultats tangibles pour l'instant.
"Il n'y a pas d'échappatoire", réplique le président à ceux qui critiquent ses choix depuis des mois, sans avoir toutefois empêché le vote d'aucun texte au Parlement. "Le jugement en 2017 sera à la fois porté sur le président, le gouvernement et la majorité. C'est ensemble que nous réussirons."
Le message à sa famille politique tient en quatre mots: "Qu'ils restent unis" face à une situation économique difficile et aux 80% de Français qui ne croient pas à la politique économique du gouvernement pour y remédier.
"C'est la condition première pour convaincre. Qu'ils mesurent ce que nos victoires de 2012 nous obligent à faire pour être à la hauteur de notre tâche. Qu'ils surmontent les défaites pour être capables de l'emporter à la fin", dit-il.
Moins cinglant que le Premier ministre Manuel Valls, qui avait fustigé ce week-end "l'irresponsabilité" des propos tenus par "certains, à gauche", le président n'en reste pas moins ferme sur le cap à suivre, en premier lieu le pacte de responsabilité destiné à doper la compétitivité des entreprises.
"LA CONSTANCE, C'EST LA CONFIANCE"
Une question de "crédibilité", même si la croissance économique a été nulle pendant les deux premiers trimestres.
"Les choix ne peuvent être rediscutés à chaque fois qu'un indice trimestriel est connu. La constance, c'est la confiance", argumente-il, tout en expliquant que le soutien à la demande en France dépend surtout des choix faits par les institutions européennes, dont la Banque centrale et la Commission.
Reste à savoir comment le message sera reçu à La Rochelle, où Manuel Valls s'exprimera en clôture, trois jours après avoir assisté à l'université d'été du Medef, que l'aile gauche du PS juge trop choyé par un gouvernement qui lui offre 41 milliards d'euros de baisse des charges sur trois ans, jusqu'en 2017.
Dans un communiqué au ton mesuré, le premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, estime que l'entretien présidentiel de rentrée "fixe le bon tempo".
"Réaffirmant le cap tout en modulant le rythme, le président propose aux Français de persévérer et de se rassembler", écrit celui qui a pris en avril les rênes du parti majoritaire.
Le député européen Emmanuel Maurel déplore que l'exécutif ne prenne "pas en compte un certain nombre de messages de la majorité et de son électorat".
"Alors que les résultats ne sont pas bons, que beaucoup s'interrogent, on ne peut pas répondre uniquement par 'circulez y a rien à voir' et 'rassemblez-vous sinon on va perdre en 2017'", a-t-il dit à Reuters.
La sénatrice Marie-Noëlle Lienemann tacle elle aussi un président qui "croit que la Ve République lui donne le droit de gouverner sans une majorité et en décrochage massif avec les Français".
Les deux élus plaident notamment pour la mise en place d'une Contribution sociale généralisée (CSG) progressive et un contrôle de l'argent versé au titre du Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), au moment où la hausse des dividendes reversés aux actionnaires explose.
PRIMAIRES POUR 2017
De l'avis du "frondeur" Pouria Amirshahi, "la question qui reste sans réponse est: quelles initiatives prend l'exécutif?"
"En France, François Hollande garde le cap et en Europe, il attend. Espérer que le Medef en France et M. (le président de la Commission européenne Jean-Claude) Juncker en Europe sont de bonne volonté est totalement naïf", juge le député.
Dans Le Monde, François Hollande adresse un message d'apaisement au Parti radical de gauche (PRG), seul allié du PS après le départ des Verts du gouvernement, qui est inquiet de la réforme territoriale et menace de faire bande à part.
S'il refuse de renoncer à une réforme "attendue depuis trop longtemps", le président indique que la disparition des conseils généraux prendra cinq ans, le temps d'"imaginer des solutions adaptées aux départements ruraux", revendication du PRG.
Alors qu'à droite, Alain Juppé vient de poser sa candidature pour les primaires de l'UMP en vue de l'élection présidentielle de 2017 avec pour ambition de rallier le centre, François Hollande laisse le soin au Parti socialiste d'organiser un scrutin interne, le moment venu.
La question lui est, dit-il, "totalement indifférente".
"Ma préoccupation n'est pas de savoir comment je vais arriver en 2017 à présenter une éventuelle candidature, mais comment redresser le pays d'ici là", dit celui qui l'avait l'emporté au deuxième tour de la primaire présidentielle du PS face à Martine Aubry en 2011.
(Edité par Yves Clarisse)