Le Medef, qui avait menacé de boycotter les négociations d'assurance chômage si le gouvernement ne modifiait pas le projet de loi travail, était bien présent jeudi à la table des discussions, mais il ne s'est pas montré prêt à lâcher du lest, au grand dam des syndicats.
L'organisation patronale, qui a obtenu du gouvernement le retrait de l'obligation de moduler les cotisations sur les contrats courts et quelques retouches du compte personnel d'activité (CPA) dans le projet de loi travail, accueillait jeudi les négociateurs de l'assurance chômage pour une sixième séance de négociation Unédic.
"On a eu quelques avancées, par conséquent on considère qu'on poursuit la négociation sur l'assurance chômage", avait expliqué mercredi une source au sein du Medef.
Mais sur le fond, l'organisation patronale n'est toujours pas prête à répondre à la principale demande des négociateurs syndicaux: la surtaxation des contrats les plus courts. Son président Pierre Gattaz a prévenu mardi qu'"à ce stade", il refusait "toute augmentation du coût du travail, quelle qu'elle soit".
Résultat: au bout d'une heure de discussions, la CGT a réclamé une suspension de séance, ne constatant "aucun assouplissement de la partie patronale". "Ils ne veulent même pas discuter de recettes supplémentaires pour l'assurance chômage", a déploré Eric Aubin.
"Le Medef n'a toujours pas de mandat pour augmenter les recettes, moi je n'ai pas de mandat pour faire autre chose qu'augmenter les recettes, donc on ne va pas pouvoir s'entendre très longtemps", avait prévenu Franck Mikula (CFE-CGC) avant la séance.
Les syndicats demandent unanimement un renchérissement des contrats les plus précaires, que ce soit par une surcotisation générale (CGT), un système de bonus-malus pénalisant les entreprises qui abusent des contrats courts (FO, CFE-CGC), une dégressivité des cotisations selon la durée dans l'emploi (CFDT, CFTC).
Les négociateurs syndicaux espéraient obtenir ce jeudi des chiffrages de leurs différentes propositions.
- Menace de 'grève des festivals' -
La séance a démarré par la présentation par l'Unédic, gestionnaire de l'assurance chômage, d'un document de 29 pages détaillant les économies réalisables en modifiant le mode de calcul des allocations. C'est pour l'étudier plus en profondeur que la CGT a demandé la suspension de séance.
Ce document, "dont nous n'étions pas demandeurs", conclut qu'un changement de calcul pourrait permettre "entre 450 millions et 1,5 milliard d'euros d'économies sur le dos des privés d'emploi", a dénoncé M. Aubin, "très en colère".
"On voit bien la finalité de ce document", s'est-il offusqué.
Avant la séance, certains négociateurs espéraient malgré tout que les discussions connaîtraient enfin un coup d'accélérateur, avec la levée des incertitudes autour du projet de loi travail, que le gouvernement a décidé d'adopter en recourant au 49-3, et sur la menace de retrait du Medef.
"On y voit un petit peu plus clair", s'est réjoui Eric Courpotin (CFTC), tout en estimant que l'épée de Damoclès n'avait pas totalement disparu: "Tant que le Medef n'aura pas le texte définitif, l'hypothèque plane toujours".
"Lors des bilatérales, on sentait qu'ils étaient dans l'expectative, on verra pendant la réunion où ils en sont", a déclaré Véronique Descacq (CFDT).
Bien que "fort marri" du recours au 49-3, Michel Beaugas (Force ouvrière) s'est dit "satisfait" du retrait de l'obligation de moduler les cotisations, une décision de nature à dépassionner les débats. "Cette modulation, on va enfin pouvoir en parler sereinement dans le cadre de la négociation", a-t-il déclaré.
Deux autres séances de négociation sont prévues le 30 mai et le 14 juin, rendant quasiment inéluctable une prolongation de l'actuelle convention, qui arrive à échéance le 30 juin. Même si un accord était trouvé le 14 juin, quelques semaines seraient nécessaires pour le transcrire en convention et pour obtenir l'agrément du gouvernement.
En cas de prorogation des règles actuelles, la CGT a exigé que l'accord trouvé fin avril sur le régime des intermittents entre en vigueur dès le 1er juillet. "Sinon, la question de la grève des festivals va revenir", a prévenu Denis Gravouil, le leader de la CGT-Spectacle.