Le gouvernement allemand a revu en forte baisse mardi pour la première fois ses prévisions de croissance pour cette année et la prochaine, mais n'y voit aucun motif d'alarme ni de raison de changer sa politique économique.
Berlin attend dorénavant un Produit intérieur brut (PIB) en hausse de 1,2% cette année et 1,3% l'an prochain. Les précédentes prévisions, qui dataient d'avril, misaient sur une croissance de 1,8% puis 2%.
"Il est clair que la dynamique économique a ralenti", a expliqué lors d'une conférence de presse le ministre de l'Economie Sigmar Gabriel.
La première économie européenne, fortement exportatrice, est pénalisée par la crise en Ukraine et dans une moindre mesure au Moyen-Orient, le fléchissement de la dynamique sur certains grands marchés émergents et surtout la conjoncture déprimée en Europe.
L'ajustement en baisse des pronostics était largement anticipé, et suit de peu celui du Fonds monétaire international (FMI) et des principaux instituts de conjoncture.
"L'Allemagne est toujours sur une trajectoire de croissance", a toutefois estimé M. Gabriel, évoquant "les forces vives de la demande intérieure". Le marché du travail reste très solide, les revenus des ménages devraient être en hausse cette année et l'an prochain.
- "appels excités" -
Si elle atteint effectivement 1,2% cette année, la croissance allemande sera toujours une des plus élevées de la zone euro et largement supérieure à celle de l'an dernier (0,1%).
Donc "aucune raison pour le gouvernement allemand de dévier de la ligne de sa politique économique, budgétaire et sociale", a martelé M. Gabriel, dénonçant "les appels excités" qui se sont multipliés ces derniers temps en direction du gouvernement à investir davantage.
Ces appels sont depuis longtemps le fait de certains partenaires de l'Allemagne, Paris, Rome, le FMI et même dernièrement la Banque centrale européenne (BCE), dont le patron Mario Draghi a appelé "ceux qui (avaient) des marges budgétaires" à en faire usage pour stimuler la croissance en zone euro. Récemment, ils ont été rejoints par des économistes allemands.
Mais pour la chancelière Angela Merkel et ses ministres, l'objectif d'équilibre du budget fédéral l'an prochain a priorité absolue, même si les principaux instituts de conjoncture du pays ont dénoncé "un objet de prestige" qui ne fait pas grand sens économiquement. Les comptes publics de l'Allemagne sont à l'équilibre et devraient être excédentaire à partir de 2016.
"Les Allemands sont contents quand ils peuvent dire +chez nous ça va bien+, et ils pensent pouvoir déduire cela d'un budget à l'équilibre", analysait pour l'AFP Bert Van Roosebeke, du Centre de politique européenne (CEP) de Fribourg.
Politiquement "il est difficile de faire demi-tour", jugeait également Marcel Fratzscher, président de l'institut de conjoncture DIW.
- homéopathie -
"Faire des dettes en Allemagne ne créerait pas de la croissance en Italie, en France, en Espagne ou en Grèce", a déclaré M. Gabriel, qui a appelé les pays concernés à s'atteler à leurs réformes.
L'Allemagne estime en outre "en faire beaucoup" déjà pour l'économie, et notamment pour restaurer la confiance dans la zone euro, avec son orthodoxie budgétaire.
Si l'Allemagne bouge dans les mois qui viennent, ce sera donc à dose "homéopathique", jugeait Christian Schulz, de la banque Berenberg. Par exemple avec des mesures pour stimuler l'investissement privé, comme de nouvelles règles pour favoriser l'engagement des assureurs dans des projets d'infrastructure.
"Un programme d'investissement allemand à grande échelle ou même des baisses d'impôts sont peu probables", estimait l'économiste.
"Il y aura un changement seulement si la croissance s'avère encore plus faible que ce qui est prévu aujourd'hui", ajoute M. Fratzscher.
Même chose en ce qui concerne de nouvelles réformes de fond en Allemagne, qu'appellent de leurs voeux aussi certains partenaires du pays et la jeune garde du parti conservateur de la chancelière, dix ans après les réformes du marché du travail du chancelier social-démocrate Gerhard Schröder.
Pour faire avaler la pilule aux électeurs, il faudrait que ceux-ci "aient conscience qu'il y a un problème", analysait pour l'AFP Annette Heuser, analyste de la Fondation Bertelsmann. "Or avec le chômage faible et les exportations toujours solides, l'Allemand moyen pense que le pays est toujours en bonne posture".