Dans une ambiance électorale ravivant le clivage gauche-droite mais aussi le désarroi PS, l'Assemblée a adopté mardi, à une majorité un peu plus large que l'an dernier, les recettes du budget 2017 avec sa baisse d'impôts, avant de passer à la Sécu.
Sur la première partie du projet de loi de finances, 285 députés ont voté pour, en première lecture, dont la plupart des socialistes, des radicaux de gauche et écologistes pro-gouvernement, et 242 contre, principalement de droite, avec quelques ex-PS ou écologistes. En octobre 2015, au même scrutin, la majorité n'était que de 30 voix.
A moins de sept mois de la présidentielle, il y a eu 24 abstentions ce mardi, soit 12 de moins en un an.
Le nombre de socialistes "frondeurs" abstentionnistes a encore diminué, de 18 à 16, dont leur chef de file Christian Paul et les anciens ministres Aurélie Filipetti et Benoît Hamon. Il y a deux ans, ils étaient 39.
Outre un milliard d'euros de baisse d'impôt ciblant les classes moyennes et de nouvelles diminutions de la fiscalité des entreprises, cet ultime projet de loi de finances du quinquennat de François Hollande prévoit de ramener le déficit public dans les clous européens à 2,7% du PIB, contre 3,3% en 2016.
"Chaque fois qu'elle est aux responsabilités, la gauche redresse les comptes publics", a clamé l'orateur du groupe PS Dominique Lefebvre à l'unisson du gouvernement, voyant dans le "procès" en "insincérité" de la droite une volonté de "justifier ses errements futurs" si elle revient au pouvoir en 2017.
Le chef de file LR Christian Jacob a encore dénoncé mardi "quelques mesures électoralistes, avec un effet de bombe à retardement pour 2017 et 2018", et insuffisantes face au "matraquage fiscal" depuis 2012.
Les centristes ont fait le réquisitoire d'un quinquennat de "promesses et reniements". "Il y a une seule promesse que François Hollande a tenu: augmenter les impôts", selon Philippe Vigier, soutien d'Alain Juppé.
Si 12 des 15 élus du groupe Front de Gauche ont voté contre un texte illustrant la persistance de "politiques européennes comptables", Gaby Charroux a salué les "belles victoires" obtenues par une partie de la gauche sur les attributions d'actions gratuites et sur la taxe sur les transactions financières.
- Le gouvernement battu à trois reprises -
Le retour affiché du clivage droite-gauche en vue de la présidentielle et la faible mobilisation des frondeurs n'ont pas empêché le gouvernement d'être battu, à trois reprises, dans l'hémicycle par sa majorité, menée par la rapporteure générale Valérie Rabault (PS).
"Le groupe PS, c'est la débandade absolue", a taclé M. Jacob, soutien de Nicolas Sarkozy.
Alors qu'un compromis a été trouvé sur la baisse échelonnée de l'impôt sur les sociétés de 33 à 28%, le gouvernement a échoué à imposer ses vues sur le maintien d'avantages accordés depuis la loi Macron aux attributions d'actions gratuites par les entreprises.
Les députés ont aussi élargi l'assiette et le taux de la taxe sur les transactions financières pour allouer plus d'argent à l'aide publique au développement, alors que Michel Sapin défendait le statu quo sur son périmètre dans l'attente d'un accord européen.
Et, au nom de "la retraitée du Tarn-et-Garonne", Mme Rabault a fait obstacle à l'augmentation supplémentaire d'un euro de la redevance audiovisuelle -en plus de celle automatique d'un euro liée à l'inflation.
Si ces questions font régulièrement débat à l'Assemblée, le désarroi suscité par François Hollande chez les socialistes a rendu plus difficile de motiver une majorité silencieuse qui "ne connaît rien au sujet mais vient lever le bras" d'ordinaire dans ces votes serrés, selon un responsable socialiste.
Les recettes nées de ces mesures, qui n'iront pas forcément toutes au bout de la navette parlementaire, pourraient aider l'exécutif à financer la baisse de la CSG pour les retraités dans le projet de budget de la Sécurité sociale, en débat de mardi à vendredi et comportant quelques "arêtes".
Le texte défendu par la ministre de la Santé Marisol Touraine fixe l'objectif de la fin du fameux "trou de la Sécu" avec un déficit du régime général ramené à 400 millions d'euros contre 3,4 milliards en 2016.
Mme Touraine a vanté dans l'hémicycle la "nouvelle donne" d'une Sécurité sociale aux comptes "redressés". Ses calculs sont cependant contestés par la droite et le Front de gauche pour qui, si l'on prend en compte le Fonds de solidarité vieillesse, le déficit est de 4,2 milliards d'euros contre 7,2 en 2016.