L'Assemblée nationale doit adopter mardi le budget de la Sécurité sociale, un vote qui devrait constituer pour l'essentiel une réplique de celui de la semaine dernière sur le budget de l'Etat, malgré un contexte politique de plus en plus tendu.
Ce PLFSS (Projet de loi de financement de la Sécurité sociale) prévoit 9,6 milliards d'économie, soit près de la moitié des 21 milliards de coupes dans l'ensemble des dépenses publiques prévues pour l'an prochain (sans compter les 3,6 mds de "mesures nouvelles" annoncées lundi par Michel Sapin à la Commission européenne).
Ces efforts sont pour l'essentiel la conséquence de dispositions déjà décidées l'an dernier, en particulier sur les retraites, ou de nouveaux mécanismes visant à rationaliser les dépenses d'assurance-maladie.
Mais les débats sur ce texte dans l'hémicycle, durant quatre jours la semaine dernière, se sont concentrés sur la modulation des allocations familiales selon le revenu et les allègements de cotisations sociales des entreprises.
Dès juillet 2015, les allocations familiales de base seront divisées par deux (passant à environ 65 euros par mois) à partir de quelque 6.000 euros de revenus mensuels pour un foyer avec deux enfants, et par quatre (à 32 euros environ) à partir de quelque 8.000 euros de revenus. Ces seuils augmenteront de 500 euros par enfant supplémentaire.
Pour éviter que des familles aux revenus très proches soient traitées différemment, est prévu un mécanisme de lissage: tout euro gagné au-dessus des seuils de revenus fixés entraînera la réduction des allocations d'un euro jusqu'à atteindre les réductions visées.
- Allègements de cotisations -
L'UMP et l'UDI se sont élevées contre cette réforme, qualifiée de "massacre" et de "déclaration de guerre aux familles" par le chef de file des députés UMP Christian Jacob. Une opposition partagée par le Front de gauche, tandis que les écologistes, comme certains socialistes et radicaux de gauche sont réservés.
Mais la majorité des socialistes s'est battue pour arracher le feu vert de François Hollande à la modulation, qui ne figurait pas dans le texte initial du PLFSS et qui a permis de renoncer à des mesures plus pénalisantes pour les familles: réduction de la prime à la naissance et des aides à la garde d'enfant et report de 14 à 16 ans de l'âge à partir duquel les allocations sont majorées.
En tout état de cause, ce volet "famille" ne constitue pas le principal objet de désaccord sur ce texte entre Manuel Valls et les socialistes frondeurs. Ceux-ci reprochent au PLFSS de consacrer les allègements de cotisations sociales patronales, dont le principe a été adopté en juillet à hauteur de plus de 5 milliards d'euros, sans les conditionner à des créations d'emplois. Et ils contestent l'ampleur globale des économies.
Comme la semaine dernière, ces socialistes contestataires devraient s'abstenir. "Notre position a été préfigurée précédemment, même si chacun est libre de son vote", indique un de leurs chefs de file, Laurent Baumel.
Seront-ils plus ou moins nombreux que les 39 enregistrés sur le Budget, et qui constituaient pratiquement un record ? "Il est difficile de dire si le contexte actuel va pousser des députés à s'abstenir ou au contraire à voter pour", répond Laurent Baumel, en référence aux déchirements qu'a connu le Parti socialiste la semaine dernière. L'ancien ministre Benoît Hamon, dont l'abstention sur le budget avait fait scandale, a dit dimanche ne pas encore avoir arrêté définitivement sa position.
Marie-Françoise Clergeau (PS), rapporteure du PLFSS pour son volet famille "espère un éclair de lucidité" de la part de ses collègues critiques, en faisant valoir les "avancées sociales" du PLFSS, en particulier la généralisation du tiers payant et la dispense de franchise pour les patients les plus pauvres.
Quant à la modulation des allocations familiales, selon elle, "elle est ressentie comme une mesure de justice par la majorité des familles". Globalement, relève-t-elle à l'issue des débats, "le texte a fait moins de remous qu'on aurait pu le penser".
Une opinion partagée par beaucoup dans les couloirs du Palais Bourbon, à tel point que pratiquement personne n'évoque plus l'hypothèse, agitée les jours précédents, d'un recours du Premier ministre à l'article 49-3 de la Constitution, qui permet l'adoption sans vote d'un texte, à moins qu'une motion de censure ne renverse le gouvernement.