par Robin Emmott
BRUXELLES (Reuters) - Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne vont débattre jeudi de l'opportunité d'organiser un sommet entre l'UE et le président russe Vladimir Poutine dans le cadre d'une nouvelle stratégie de relations entre les Vingt-Sept et Moscou qui devrait toutefois continuer de s'appuyer sur la menace de sanctions.
Huit jours après la tenue d'un sommet entre les présidents russe Vladimir Poutine et américain Joe Biden à Genève, la France et l'Allemagne ont suggéré mercredi l'organisation d'un sommet UE-Russie comme moyen d'améliorer des liens endommagés par les crises en Ukraine et en Biélorussie et par le dossier des droits de l'Homme et l'emprisonnement d'Alexeï Navalny.
Une proposition à laquelle le Kremlin a réagi "positivement" jeudi. "Un tel dialogue entre Bruxelles et Moscou est véritablement nécessaire", a déclaré son porte-parole, Dmitri Peskov.
L'UE a suspendu les sommets avec la Russie depuis l'annexion par Moscou de la péninsule ukrainienne de Crimée au printemps 2014.
Devant le Bundestag, la chancelière allemande Angela Merkel a insisté sur la nécessité pour les Vingt-Sept de chercher un contact direct avec Moscou et le chef du Kremlin et de créer des espaces de dialogue.
"Nous assumons d'avoir un dialogue pour défendre nos intérêts en tant qu'Européens avec exigence (...), un dialogue nécessaire à la stabilité du continent européen mais exigeant parce que nous ne cédons rien de nos valeurs, de nos intérêts", a déclaré de son côté Emmanuel Macron à son arrivée à Bruxelles.
"Nous ne pouvons pas rester dans une logique purement réactive à l'égard de la Russie au cas par cas alors que de manière très légitime, on a assisté à une discussion structurée entre le président Biden et le président Poutine", a ajouté le chef de l'Etat français.
"RIPOSTER, CONTRAINDRE, S'ENGAGER"
La Pologne et les pays baltes - Estonie, Lettonie, Lituanie - ne sont cependant pas favorables à la tenue d'un sommet et le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, a estimé que la reprise de sommets entre l'UE et la Russie sans constater de progrès de la part de Moscou constituerait une "dangereuse déviation" par rapport à la politique de sanctions européenne actuellement en vigueur.
Selon le projet de déclaration des Vingt-Sept en discussion, que Reuters a pu consulter, les dirigeants européens comptent demander à la Commission européenne de "présenter des options pour de nouvelles mesures restrictives, y compris des sanctions économiques".
Lors du Conseil européen de jeudi et vendredi, dont l'ordre du jour sera également consacré aux relations avec la Turquie, à la politique migratoire et au plan de relance post-COVID, les dirigeants de l'UE examineront un rapport du Haut Représentant pour la politique extérieure de l'UE, Josep Borrell, sur les orientations stratégiques de la relation future avec Moscou.
Dans ce document, le service diplomatique européen met en garde contre une "spirale négative" dans laquelle s'enfoncent les liens entre Bruxelles et Moscou, à coups de sanctions de part et d'autre. Il propose de définir la nouvelle stratégie autour de trois axes : "riposter, contraindre, s'engager".
"De la confrontation d'idées émerge la compréhension", commente un haut diplomate européen, tout en doutant de voir naître soudainement une relation de confiance entre les deux parties.
Emmanuel Macron avait tenté sans succès, en septembre 2019, de favoriser un réchauffement des liens avec Moscou en recevant Vladimir Poutine au fort de Brégançon (Var).
Pour certains diplomates européens, l'amélioration des relations avec Moscou est un préalable à la tenue d'un sommet avec le président russe.
Mais les points de friction demeurent. L'UE doit ainsi rendre publique ce jeudi, ou vendredi, une liste détaillée des sanctions économiques contre la Biélorussie.
(Reportage Robin Emmott, avec la contribution de Thomas Escritt et Caroline Copley à Berlin, version française Jean-Stéphane Brosse, édité par Sophie Louet)