La refonte de la politique monétaire de la Banque du Japon a entraîné une journée historique sur les marchés nippons vendredi, avec un volume d'échange record à la Bourse de Tokyo, une dépréciation du yen et une chute du taux d'intérêt des obligations d'Etat à un niveau inédit.
L'indice Nikkei 225 des valeurs vedettes a grimpé de 1,58% en clôture pour finir à 12.833,64 points, du jamais vu depuis le 1er septembre 2008, soit avant la faillite de la banque américaine Lehman Brothers et la crise financière internationale.
Au début des échanges, sa hausse a même frôlé les 5%, mais des prises de bénéfice ont ensuite réduit ses gains.
L'indice élargi Topix de tous les titres du premier tableau a grimpé pour sa part de 2,74%.
Signe de l'excitation des courtiers, pas moins de 6,45 milliards de titres ont été échangés sur le premier marché, un niveau inédit depuis la création de la place en 1949. Même lors de la panique qui avait suivi le séisme, le tsunami et l'accident nucléaire de Fukushima du 11 mars 2011, le volume n'avait pas été aussi élevé.
Mercredi et jeudi, la BoJ a tenu sa première réunion de politique monétaire depuis l'arrivée du nouveau gouverneur, Haruhiko Kuroda, et a très agréablement surpris le marché en annonçant un changement drastique de braquet.
L'institut d'émission a décidé de passer au contrôle de la base monétaire (l'argent liquide et les réserves obligatoires des banques), au lieu de se focaliser comme auparavant sur une politique de taux d'intérêt nul.
Il veut ainsi doubler la base monétaire en deux ans, notamment via une forte augmentation des achats d'obligations d'Etat et une extension de leur acquisition à toutes les maturités, y compris les plus longues, alors qu'il ne touchait pas à celles de cinq ans et plus jusqu'à présent.
Ce faisant, la BoJ veut faciliter la circulation de l'argent, doper l'activité et permettre au pays de sortir d'une déflation handicapante depuis quinze ans. Elle vise une inflation de 2% d'ici à deux ans.
Les valeurs bancaires ont profité à plein de ces engagements, gages de financements faciles, tout comme les maison de courtage.
"Les actions japonaises sont sous-évaluées depuis longtemps, ces gains sont justifiés", a expliqué à l'AFP Daisuke Uno, de la banque Sumitomo Mitsui. "Il faudra toutefois garder un oeil sur le revers de la médaille de ces mesures d'assouplissement monétaire. Nous ne savons pas où ce pari va nous conduire", a-t-il toutefois prévenu.
La perspective de ce flot de liquidités dans les circuits a continué en attendant d'affaiblir le yen vendredi sur le marché des changes. L'euro est passé au-dessus de la barre des 125 yens dans la matinée en Asie, avant de redescendre quelque peu. Il cotait néanmoins encore 124,15 yens peu après 06H30 GMT, contre moins de 120 yens avant les annonces de la BoJ jeudi.
Le dollar est pour sa part brièvement monté au-dessus de 97 yens, une première depuis trois ans et demi. Peu après 06H00 GMT, il cotait 96,15 yens.
Cette dépréciation du yen a dopé les titres des exportateurs nippons dont la compétitivité à l'étranger est accrue lorsque la devise japonaise se déprécie. La monnaie nippone a chuté depuis novembre, époque où il était au plus haut face au dolalr et à l'euro.
Les titres du constructeur d'automobiles Toyota et du fabricant d'électronique Sharp en ont particulièrement profité vendredi.
L'emprunt d'Etat à dix ans s'est arraché par ailleurs sur le marché secondaire, et son taux d'intérêt a chuté jusqu'à 0,315%, un nouveau plus bas historique après celui établi la veille.
Le Premier ministre de droite, Shinzo Abe, a applaudi vendredi matin les mesures prises par la BoJ sous l'égide de M. Kuroda qu'il avait choisi pour l'aider à soutenir la troisième puissance économique mondiale.
"La Banque du Japon a lancé une politique d'assouplissement différente et donné un signal fort au marché. Cela répond aux espoirs" placés en elle, s'est-il félicité devant la commission budgétaire de la chambre basse du Parlement.