par Jamie McGeever
LONDRES (Reuters) - Les taux d'intérêt sont trop bas à l'échelle mondiale et posent un problème de plus en plus important pour la stabilité économique et financière, prévient la Banque des Règlements internationaux (BRI) dans son 85e rapport annuel publié dimanche.
L'institution, souvent présentée comme la banque centrale des banques centrales, estime en conséquence que la normalisation des politiques monétaires devrait intervenir rapidement et souligne que la croissance mondiale est inégale, que les niveaux d'endettement sont élevés et en augmentation.
Elle relève que l'explosion de la croissance du crédit montre que les déséquilibres financiers s'accumulent à nouveau.
Pour la BRI, le principal facteur d'instabilité est à rechercher dans les politiques de taux d'intérêt "excessivement bas" mises en oeuvre en réponse à la crise financière mondiale de 2008-2009 et aux craintes de déflation alimentées par la forte chute des cours du pétrole dans la seconde partie de l'année dernière.
Le maintien des taux d'intérêt à ces niveaux historiquement très bas menace d'infliger de "graves dégâts" au système financier et d'exacerber la volatilité sur les marchés tout en limitant les marges de manoeuvre des responsables économiques lors de la prochaine récession.
"La prise de risque sur les marchés financiers dure depuis trop longtemps. Et l'illusion que les marchés demeureront liquides dans des situations de stress est trop répandue", avertit la BRI.
"La probabilité de turbulences va encore s'accroître si les conditions extraordinaires actuelles sont prolongées. Plus on tend un élastique, plus il se contracte violemment."
Claudio Borio, directeur du département monétaire et économique de la BRI a résumé l'état de l'économie et du système financier mondial en le caractérisant comme un environnement d'excès d'endettement, d'insuffisance de croissance et de taux d'intérêt trop bas.
"INSTABILITE ET FAIBLESSE CHRONIQUE"
Pour la BRI, les politiques monétaires extrêmement accommodantes à l'échelle mondiale peuvent entraîner des erreurs généralisées dans la fixation des prix des actifs et les valorisations des actions et de certaines obligations d'entreprise sont aujourd'hui "assez tendues".
"Dans certaines zones, la politique monétaire a déjà atteint les limites de l'acceptable au point de repousser les frontières de l'impensable", met en garde la BRI.
L'institution souligne que le risque d'erreur de politique monétaire par les banques centrales qui ont un objectif d'inflation a augmenté car elles ont du mal à comprendre de manière adéquate quels sont aujourd'hui les déterminants de l'inflation.
La BRI relève en particulier que la compréhension des anticipations d'inflation est "incomplète et que leur mesure est sujette à une incertitude considérable".
Le retour à des politiques monétaires normales sera "chaotique", notamment parce que les taux d'intérêt bas ont alimenté un "modèle vicié de croissance mondiale fondé sur l'endettement", qui était précisément à l'origine de la crise financière de 2008-2009.
La prise en charge de la reprise par les banques centrales n'a que trop duré, estime la BRI. Des politiques à long terme destinées à rendre les économies plus productives et à assurer la stabilité de l'économie mondiale et du système financier international doivent être mises en oeuvre, estime-t-elle.
La chute de 60% des prix du pétrole au second semestre 2014 crée les conditions de ce changement de perspective et les gouvernements ne devraient pas laisser passer cette occasion, estime l'institution.
Un échec des gouvernements, des banques centrales et des régulateurs financiers à promouvoir des politiques plus "prudentes" risque de "pérenniser l'instabilité et la faiblesse chronique", prévient la BRI.
(Marc Joanny pour le service français)