Moins d'interpellations, pas de heurts et une mobilisation en net recul: l'acte V des "gilets jaunes" marque le pas samedi à Paris et en régions, contrastant avec l'extrême tension des semaines précédentes pour réclamer à Emmanuel Macron plus de pouvoir d'achat.
Moins de 3.000 manifestants étaient recensés à Paris par les autorités vers 14H00. En région, la mobilisation était aussi en baisse.
Cette nouvelle journée de manifestation nationale a valeur de test pour l'exécutif après les annonces d'Emmanuel Macron visant à mettre fin à une crise sociale inédite.
"Nous sommes remplis de colère. Nous sommes épuisés par une pression fiscale colossale", a lancé Priscillia Ludosky, figure à l'origine du mouvement, devant un millier de "gilets jaunes" réunis pour un "sit-in" devant l'Opéra Garnier, à la mi-journée.
Une minute de silence a été observée devant l'Opéra pour les victimes parmi les "gilets jaunes" depuis le début de leur mouvement le 17 novembre (sept morts et des centaines de blessés) et pour les victimes de l'attentat de Strasbourg qui a fait mardi quatre morts et 12 blessés.
Auparavant, encadrés par un dispositif sécuritaire d'ampleur similaire à samedi dernier, quelques centaines de "gilets jaunes" avaient descendu les Champs-Elysées sans heurt.
En région, la participation était en retrait, notamment à Rennes, Caen ou Lyon, avec les classiques barrage filtrants, "péages gratuits" et opérations escargot comme à Lorient. A Bordeaux, où de violents débordements s'étaient produits samedi dernier, quelque 300 personnes se sont rassemblées dans le calme avant de se disperser 30 minutes plus tard.
- Magasins ouverts -
Vers 13H30, il y avait eu à Paris 92 interpellations et 53 gardes à vue, bien loin des 581 interpellés et 423 gardés à vue de samedi dernier.
"Emmanuel Macron, tête de con, on vient te chercher chez toi", "Emmanuel Macron ferme ta gueule, Édouard Philippe ferme ta gueule, lalala et Castaner ferme ta gueule lalala", pouvait-on notamment entendre dans la foule place de l'Opéra.
"On est là aujourd'hui car on n'a pas envie d'être les prochains SDF que l'on voit trop nombreux à Paris", témoignait de son côté Julie, 31 ans, conductrice d'engin, venue de l'Aisne pour manifester pour son troisième samedi consécutif.
Ailleurs dans Paris, comme sur les places de la Bastille ou de la République, si des banques et magasins ont recouvert leur façades de contreplaqué de crainte de nouvelles dégradations, ils ont malgré tout ouvert leurs portes.
A Saint-Lazare, où des organisations de gauche avaient appelé à se rassembler avant de rejoindre une rassemblement à partir de 14H00 à place de la République, une petite centaine de militants de la CGT en chasuble étaient rassemblés, sans slogan.
"C'est les mêmes revendications. Certains ont cru comprendre que le Smic allait être augmenté alors que c'est pas le cas", a réagi Fabrice Flipo, professeur dans le supérieur, membre de la CGT et sympathisant des "gilets jaunes".
Les accès aux institutions (Palais de l'Elysée, Hôtel Matignon, Assemblée nationale, ministère de l'Intérieur, etc.) restaient protégés. Mais signe que la tension est retombée, la Tour Eiffel et plusieurs musées fermés samedi dernier sont désormais ouverts, tout comme les grands magasins à l'approche de Noël.
- "Poser le gilet" -
"On s'attendait à avoir un peu plus de monde. Mais le mouvement ne va pas s'épuiser, on est en train de s'organiser pour faire péter ce système", commentait à Lyon Francis Nicolas, intérimaire de 49 ans.
"Quand on voit le +blablatage+ sur Facebook (NASDAQ:FB) des champions du clavier, et quand on voit concrètement combien de personnes il y a dans la rue, je vous le dis honnêtement, je n'ai qu'une envie, c'est de poser le gilet. On est moitié moins de ce qu'on était la semaine dernière", résumait aussi à Lyon Stella, employée de bureau de 44 ans.
Des accès routiers étaient perturbés, tels l'A7 (Vaucluse) mais aussi l'A62 (Toulouse-Bordeaux), A61 (Carcassonne) et l'A64 (Toulouse-Tarbes). L'A6 a été coupée dans les deux sens à la limite entre la Saône-et-Loire et le Rhône par le préfet par précaution.
Les annonces d'Emmanuel Macron lundi, dont la plus emblématique porte sur une hausse de 100 euros des revenus au niveau du Smic, ont été diversement reçues par des Français, réclamant moins de taxes et plus de pouvoir d'achat.
"100 euros de plus pour les smicards, c'est du flan, ça ne concerne qu'une minorité de personnes", a regretté samedi à Paris Ludovic, 40 ans, conditionneur cariste venu manifester d'Amiens.
Après l'attentat jihadiste de Strasbourg, les appels, notamment au sein de la majorité et du gouvernement, à ne pas manifester ont aussi été rejetés par une partie des "gilets jaunes", n'y voyant aucun rapport.
Si les modérés, représentés par le collectif des "gilets jaunes libres" ont appelé à une "trêve" et estimé que "le temps du dialogue est venu", d'autres ont affiché leur détermination à redescendre dans la rue pour obtenir de nouvelles avancées sociales et économiques.
Au total, 8.000 membres des forces de l'ordre ont été déployés dans la capitale, 69.000 sur tout le territoire, appuyés à Paris par 14 véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG).
Les 1e et 8 décembre, 136.000 personnes avaient manifesté dans toute la France.