par Gregory Blachier
PARIS (Reuters) - La très courte défaite du Front national lors de la législative partielle dans le Doubs suscite lundi l'inquiétude à gauche et de nouveaux appels à la clarté à droite après le refus du "front républicain" au profit d'une neutralité fustigée par le PS.
"Il y a le feu au lac", a estimé le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, au lendemain de l'élection du socialiste Frédéric Barbier avec à peine 800 voix d'avance sur la candidate FN Sophie Montel dans la quatrième circonscription du Doubs, où le vainqueur a dit ne pas "pavoiser".
Le FN a été tout proche de faire entrer un troisième député à l'Assemblée quatre mois après avoir obtenu ses deux premiers sièges de sénateurs et, s'il a encore été battu dans une législative partielle, il y a enregistré un score record depuis 2012 avec 48,57% des suffrages.
"Tous ceux qui pensaient que le Front national et Marine Le Pen allaient être affaiblis par la séquence post-attentats en sont pour leur argent", a dit à Reuters Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l'Ifop. "S'ils sont affaiblis à 48,5%, qu'est-ce que ça serait si ce n'était pas le cas."
Cette progression place les opposants au Front national dans une situation d'urgence, ont estimé de concert Jean-Christophe Cambadélis et Manuel Valls qui avait déjà, il y a quelques mois, dit voir le FN "aux portes du pouvoir".
"Nous sommes dans situation où le Front national est en dynamique. Il perturbe l'UMP et l'absence d'unité réelle entre les forces de gauche lui donne des capacités de se déployer", a jugé le premier sur France Info.
DIGUE FRAGILE
Pour le patron d'un PS qui a interrompu une série d'échecs électoraux, le résultat de ce scrutin aux près de 67.000 inscrits et 32.800 suffrages exprimés peut se reproduire à l'échelle nationale, dès le mois de mars et sans doute ensuite.
"Les départementales ne seront qu'un moment de la vie électorale française (...) mais nous sommes dans une situation où vous avez derrière les élections régionales puis les élections présidentielles", a-t-il dit.
"Regardez, ça se joue à 800 voix, là", a-t-il ajouté en estimant que s'il l'on extrapolait le résultat, cela veut dire que Marine Le Pen "peut être élue" présidente.
Le Premier ministre lui a emboîté le pas sur Europe 1, en reprochant à l'UMP de n'avoir pas su faire front contre le FN.
"Il y a quelques mois, j'avais dit que le FN était aux portes du pouvoir. Il représente véritablement un danger, surtout quand, en face, la digue n'est pas assez solide", a dit le chef du gouvernement.
"Quand on est un grand parti qui a gouverné et qui aspire à gouverner, on prend ses responsabilités. "Le ni-ni n'est pas une position responsable", a-t-il lancé en visant l'UMP.
A droite, la position adoptée par le bureau national n'a pas fait l'unanimité, notamment chez les rivaux de Nicolas Sarkozy. Alain Juppé, son probable rival à la primaire, avait appelé à faire barrage au FN, contrairement à l'ancien chef de l'Etat.
Le député Edouard Philippe, proche du maire de Bordeaux, a estimé lundi sur RMC que le "ni-ni ne (pouvait) pas gagner".
PROGRESSION "INEXORABLE"
Bruno Le Maire, battu par Nicolas Sarkozy pour la présidence de l'UMP, a pour sa part souhaité que le résultat de ce scrutin soit "un électrochoc pour l'UMP" et a suggéré, sans le dire aussi clairement, qu'il ne fallait pas laisser de champ au FN.
"Il y a une progression qui semble inexorable pour le FN", a-t-il prévenu sur RTL, jugeant comme Jean-Christophe Cambadélis qu'elle menaçait son parti en vue des prochaines échéances.
"Elle peut nous menacer encore plus aux élections nationales. Donc ça doit être un électrochoc, nous devons combattre avec beaucoup plus de force le Front national que nous ne l'avons fait jusqu'à présent", a-t-il martelé.
Alors qu'un récent sondage plaçait Marine Le Pen en tête au premier tour de la présidentielle, Alain Juppé estimait il y a une semaine que l'arrivée du FN au pouvoir n'était "plus une hypothèse d'école".
Seul Brice Hortefeux, proche de Nicolas Sarkozy, a vu lundi dans les résultats du Doubs l'illustration du gain mutuel entre le PS qui "fait monter le FN" et le FN "qui fait gagner le PS".
Un lien de cause à effet dont la droite a souvent usé pour expliquer ses revers depuis les premiers succès électoraux de Jean-Marie Le Pen dans les années 1980.
La semaine dernière, devant des élus, Nicolas Sarkozy lui-même avait affirmé qu'une victoire nationale du FN n'était "plus hypothétique", même si un sondage OpinionWay pour Metronews et LCI publié rassurera un peu les partis traditionnels: 65% des Français jugent encore le FN "incapable" de gouverner.
(avec Nick Vinocur, édité par Yves Clarisse)