Les ambitions d'EDF aux Etats-Unis ont subi un sérieux revers ce week-end avec le retrait de son allié Constellation d'un projet de construction de réacteur nucléaire et cette décision laisse planer la perspective d'un coûteux divorce pour l'électricien français.
A la surprise générale, Constellation Energy Group (CEG) a annoncé qu'il cessait ses démarches visant à obtenir auprès du Département américain de l'Energie (DoE) une garantie de prêt pour la construction d'un réacteur nucléaire EPR à Calvert Cliffs (Maryland, est).
L'électricien de Baltimore estime que le coût de cette garantie, indispensable à la poursuite du projet, créerait des "risques inacceptables" pour la société.
EDF a réagi en se disant "extrêmement surpris et consterné" face à cette décision "unilatérale" de Constellation.
Selon des responsables de l'administration Obama cités par le Washington Post, Constellation et EDF étaient pourtant à deux doigts de décrocher "une garantie de prêt de 7,5 milliards de dollars".
Alliés depuis juillet 2007, les deux électriciens s'étaient encore rapprochés en décembre 2008 avec le rachat par le français de la moitié des activités nucléaires de l'américain.
Le groupe tricolore avait alors déboursé 4,5 milliards d'euros pour remporter la mise dans une bataille d'enchères qui l'avait opposé au milliardaire Warren Buffett.
Mais depuis lors, les relations entre les deux alliés se sont nettement dégradées, Constellation semblant moins enclin à adhérer aux ambitions nucléaires d'EDF. Le français a pour objectif de bâtir une flotte de 4 EPR aux Etats-Unis, dont le premier du genre à Calvert Cliffs.
La crise économique et la mise en exploitation de nouveaux gisements de gaz naturel ont en effet considérablement amoindri la compétitivité du nucléaire aux Etats-Unis, au profit des centrales au gaz.
"Les prix du gaz et de l'électricité ont beaucoup baissé et l'attractivité immédiate du nucléaire est devenue moins importante", explique Colette Lewiner, analyste chez Capgemini.
Dans ce contexte, le projet de Calvert Cliffs est-il définitivement condamné? Samedi, EDF a convenu que son avenir était désormais "incertain".
Le groupe nucléaire Areva, qui conçoit l'EPR, s'est au contraire dit "raisonnablement optimiste". "Les négociations se poursuivent", a souligné une porte-parole.
Plusieurs bons connaisseurs du dossier remarquent en effet que l'annonce du retrait de Constellation pourrait n'être qu'un "mouvement tactique" de l'américain dans le cadre d'une négociation plus large.
"Il est difficile de savoir ce qui relève du +bluff+", estime l'un d'entre eux.
CEG fait en effet pression sur EDF pour réduire sa part de 50% à 25% dans le financement du projet. Et les deux groupes s'affrontent depuis plusieurs semaines à propos d'une clause datant de 2008 qui pourrait obliger EDF à racheter à son allié des centrales thermiques à un prix prohibitif.
Le groupe français a beaucoup à perdre d'un éventuel divorce.
En 2008, il avait évalué son offre sur CEG à un prix de 52 dollars par action. Or, vendredi soir, l'action CEG ne valait plus que 32,15 dollars (38% de moins).
Pour autant, EDF n'exclut pas de céder sa participation, selon les propos de son directeur financier, Thomas Piquemal, relayés par des analystes.
L'électricien français serait prêt à vendre sa participation "s'il recevait une offre adéquate" et chercherait alors "d'autres partenaires américains" pour construire des réacteurs aux Etats-Unis.