par Clara Denina
LONDRES (Reuters) - L'once d'or, qui a chuté sous le seuil de 1.150 dollars mercredi, à son plus bas niveau depuis la mi-2010, est bien partie pour plonger jusqu'à 1.000 dollars, la combinaison d'une absence de pressions inflationnistes à l'échelle mondiale, de la hausse du dollar, d'une sortie progressive de l'ère des taux zéro au Royaume-Uni et aux Etats-Unis et de la bonne tenue des marchés actions pénalisant cet actif qui n'offre aucune rémunération.
La baisse de l'argent métal dont l'once se négocie à peine au-dessus de 15 dollars, à un plus bas depuis février 2010, est encore plus marquée.
L'once d'or au comptant a touché un plus bas en séance à 1.137,40 mercredi, en recul de 2,6% par rapport à la clôture de la veille, avant de se reprendre à 1.144,46 vers 14h00 GMT.
Les analystes techniques estiment qu'elle pourrait tester les 1.000 dollars l'once voire descendre plus bas après avoir enfoncé une résistance clé à 1.150 dollars, correspondant au retracement de 61,8% de la hausse quasi-ininterrompue entre le point bas de 2008 et son plus haut record de septembre 2011 à 1.920,30 dollars.
La chute de près de 100 dollars du cours de l'once en une semaine a rappelé à la mémoire des intervenants le plongeon spectaculaire sur deux séances de la mi-avril 2013 qui avait déclenché une vague de dégagements et contribué à une chute de près de 30% des cours sur l'année après 12 ans de hausse.
Le cours à terme de l'once recule de 23,20 sur la première échéance à 1.144,40 dollars.
L'once d'argent au comptant a perdu jusqu'à 5% en séance à 15,17 dollars, soit un plus bas de quatre ans et demi.
"Les cours de l'or sont fortement influencés par des spéculateurs financiers qui se désengagent via les fonds indexés cotés (ETF) et les instruments dérivés", a déclaré Angelos Damaskos, gérant du Gold Junior Fund.
"Et vu les forces macroéconomiques comme la vigueur du dollar, l'or peut encore baisser à court terme."
Les analystes soulignant que les investisseurs se précipitent sur les instruments de protection contre une poursuite de la chute des cours.
DEMANDE PHYSIQUE
La position ouverte sur les options de vente échéance décembre au prix d'exercice de 1.075 dollars l'once a bondi de plus de 3.500 lots au cours des dernières séances, selon les données du Comex publiées mardi.
L'indice du dollar pondéré par les échanges extérieurs est en hausse de 0,56% mercredi après la victoire remportée par les Républicains aux élections de mi-mandat aux Etats-Unis qui conforte les espoirs d'une sortie de l'impasse politique paralysant le Congrès.
L'appréciation du dollar renchérit le coût de détention du métal jaune pour tous les investisseurs opérant dans une autre devise et limite l'attrait du métal jaune comme couverture contre un repli de la devise américaine.
Illustrant la défiance croissante des investisseurs vis-à-vis de l'or, le stock détenu par SPDR Gold Trust, le plus gros fond coté indexé sur l'or, est tombé à un plus bas de six ans à 738,82 tonnes.
La demande physique pour la bijouterie, les pièces et les lingots, qui augmente en général lorsque les prix baissent, n'est pas suffisamment soutenue pour enrayer la chute des cours.
"Il y a très peu de facteurs positifs à l'horizon. Malgré les milliers de milliards de dollars de liquidités que les banques centrales ont injecté au cours des dernières années, elles restent plus préoccupées par la déflation que par l'inflation", souligne Edward Meir, analyste chez INTL FCStone.
"De plus, des marchés actions américains à plein régime continuent de siphonner les capitaux des investissements alternatifs, dont l'or".
La pression baissière sur les métaux précieux pourraient encore s'accroître, notamment avec la publication vendredi des chiffre de l'emploi aux Etats-Unis pour le mois d'octobre. De bons chiffres conforteraient encore l'optimisme sur l'économie américaine et la hausse du dollar.
La brusque baisse des prix de l'or a toutefois provoqué une reprise de la demande pour les pièces d'or en Europe et aux Etats-Unis.
Le ratio or/argent, qui rapporte le nombre d'onces d'argent nécessaires pour acquérir une once d'or a par ailleurs atteint son plus haut niveau depuis le début 2009 à 75, soutenant aussi la demande de pièces et de lingot en argent.
Mais la demande de métal jaune en Chine, premier marché mondial pour l'or, a été décevante, les acheteurs attendant que les prix baissent encore avant de se manifester.
(Marc Joanny pour le service français, édité par Véronique Tison)